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Gustave FLAUBERT 1821-1880


Poésie / Poémes d'Charles Baudelaire





Parlant des artistes en général, Flaubert voyait en eux.' des gladiateurs et il est vrai que l'écriture fut pour lui cette lutte risquée, ce combat voluptueux avec la phrase, dans l'arène de la feuille blanche et du « gueuloir » où Flaubert se lisait ses textes à voix haute. Né à Rouen, il est le fils d'un médecin et on y verra comme le signe d'une alliance symbolique entre la plume « réaliste » et le scalpel ! Très tôt, Flaubert rédige des textes, des nouvelles, des contes, des drames et des récits dont on peut retrouver l'échodans les oeuvres qui suivront : Passion et vertu (peut-être l'archétype de Madame BovarY), les Mémoires d'un fou (cf. l'Éducation sentimentalE) et Smarh (cf. la Tentation de saint AntoinE) sont, il est vrai, plus des ébauches romantiques (ambiance médiévale, antiquité pittoresque...) que des ouvres vraiment achevées.



À quinze ans, Flaubert éprouve ses premières émotions sentimentales et il est bouleversé par sa rencontre avec Mme Schlésinger dont on retrouvera la figure dans la Mme Arnoux de la seconde Éducation sentimentale ; car, en dehors de vagues études de droit, Flaubert a surtout commencé un grand livre en partie autobiographique dont la longue rédaction sera un travail non seulement littéraire mais aussi personnel (interrompu d'ailleurs par une crise épileptique en 1844). Avec son ami Maxime Du Camp, Flaubert voyage aussi : un premier parcours (Par les champs et par les grèves, non publié de leur vivanT) les mène au bord de la Loire et en Bretagne. Plus tard, en 1849, et après avoir achevé une première version de la Tentation de saint Antoine, Flaubert part pour l'Egypte, la Palestine et revient par là Turquie, la Grèce et l'Italie.



Se remettant à l'ouvre, Flaubert ressent alors le besoin de prendre le contre-pied de la coruscante et romantique Tentation que Du Camp et L. Bouilhet ont appréciée comme un échec. C'est alors le travail préparatoire pour Madame Bovary, entrecoupé de lettres ou de rencontres avec Louise Colet, et qui débouche enfin sur la publication en feuilletons dans la Revue de Paris (1856). Un procès suivra, mais qui se clôt sur un acquittement. Autre virage, ensuite, avec Salammbô. Le roman paraît en 1862, mais a été précédé, comme d'habitude, d'un long travail d'écriture et de documentation qui a amené Flaubert à beaucoup lire, et même à visiter les ruines de Carthage. Puis il reprend l'Éducation sentimentale dont la deuxième version (1869) n'obtient pas un grand succès, tout comme la Tentation de saint Antoine (1874) et le Candidat (1874), une pièce qui fait un four.



Sur un plan plus personnel, il a rompu avec Louise Colet mais il continue à voir ses amis qui vieillissent, Sainte-Beuve, Gautier, les Goncourt et surtout George Sand avec qui il entretient une abondante (et, comme d'habitude, chez Flaubert, fascinantE) correspondance. Il souffre aussi de certains ennuis financiers, en particulier au moment où il est obligé d'aider une nièce à laquelle il est très attaché pour l'avoir élevée dans sa maison de Croisset, près de Rouen. À la fin, Jules Ferry l'aidera en lui accordant un emploi à la Mazarine (1879). Mais l'écriture ne perd pas ses droits et cette fin de la vie de Flaubert est marquée par les Trois Contes (1877) et la rédaction de Bouvard et Pécuchet, laissé inachevé en 1880. Malgré l'incompréhension et les insuccès, Flaubert est déjà un maître, non seulement par son élève Maupassant, mais aussi par le respect et l'admiration que lui vouent et lui voueront des générations successives de créateurs de formes : Zola, Proust et jusqu'aux écrivains du Nouveau Roman...



La démarche d'un peintre



Les histoires littéraires avaient coutume autrefois de définir un grand courant réaliste qui regroupait presque tous les grands romanciers du siècle : Flaubert poursuivait Balzac avant Zola, Maupassant et peut-être même Céline. On a découvert aujourd'hui un Flaubert plus « moderne », interrogeant l'écriture et le langage, soucieux de recherches formelles. Mais cette découverte n'en est pas vraiment une dans la mesure où Flaubert lui-même en faisait part, distinguant en lui « deux bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d'aigles, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l'idée ; un autre qui creuse et qui fouille le vrai tant qu'il peut, qui aime à accuser le petit fait vrai, aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses qu'il reproduit ». Cette dernière ambition fait de lui une sorte de peintre confronté aux impasses aussi bien qu'aux jeux infinis du réel et du tableau ; ce double impossible, ce faux plagiat de la nature est plutôt un univers concurrent, un univers esthétique, avec ses couleurs, pourpre pour Salammbô, puce pour Madame Bovary.



II est vrai, comme le disait Zola, que Madame Bovary peut apparaître comme le « type » du roman naturaliste : « la reproduction exacte de la vie, l'absence de tout élément romanesque »... « c'est de la vie exacte donnée dans un cadre admirable de facture ». On peut dès lors s'attacher à retrouver chez Flaubert ce souci de l'authentique, en particulier dans le refus du romanesque ancien et dans le choix de personnages, de lieux et d'histoires aux antipodes des stéréotypes habituels, des héros et des « ficelles » de construction dramatique. En ce sens, l'efficacité première de ce « réalisme » consiste d'abord à changer de réalité ou du moins à élargir celle-ci pour y intégrer des figures sans séduction, des lieux sans grâce, des aventures sans envergure, des paysages banals ou des décors chagrins : « Rien n'était [...] moins curieux que cette curiosité. Un grand espace de terrain vide, où se trouvaient pêle-mêle, entre des tas de sable et de cailloux, quelques roues d'engrenage déjà rouillées, entourait un long bâtiment quadrangulaire que perçaient quantité de petites fenêtres. Il n'était pas achevé d'être bâti et l'on voyait le ciel à travers les lambourdes de la toiture. » Comme souvent chez Flaubert, ces phrases sont à lire de façon plurielle ; d'un côté, elles ont une fonction romanesque et rejoignent peut-être certaines descriptions de Balzac dans le Père Goriot : expliquer des personnages par un univers qui déteint sur eux ou les fait réagir. Mais on peut aussi les voir comme un tableau qui essaierait de rendre présent ce qui jusqu'ici restait indigne d'être représenté ; le paysage plat, l'objet vulgaire, la vie simple et tranquille...



En fait, il ne s'agit pas ici d'une esthétique de la laideur, mais d'une esthétisation de l'insignifiant, et qui est moins le triomphe de l'insignifiant que celui de l'esthétique. Dès lors, ne faut-il pas renverser la perspective de Zola et montrer que Flaubert s'attache surtout à peindre, plus qu'à dépeindre, à faire voir le monde plutôt qu'à en hériter passivement ?

On a souvent, sur ce point, rapproché la description flaubertienne de certaines options impressionnistes : nouveaux motifs (campagnes tristes, fabriques, gens humbleS), découpage d'un décor non pas harmonieux et composé, mais (apparemmenT) aléatoire, points de vue originaux et prosaïques, à la Degas, et même jeux subtils de couleurs : « La vapeur du soir passait entre les peupliers sans feuilles, estompant leurs contours d'une teinte violette, plus pâle et plus transparente qu'une gaze subtile arrêtée sur leurs branchages » (Madame Bovary, II, 6). Jusqu'aux événements historiques qui sont certes décrits avec acuité et précision, mais qui débouchent souvent sur des images et des sensations, dans l'Éducation sentimentale, par exemple. Entre Corot et Monet, en attendant Cézanne, Flaubert propose donc moins la réalité, cette fiction introuvable, qu'une vision de cette réalité à travers laquelle il nous fait partager les dégoûts ou les rêveries d'un personnage. Flaubert, certes, produit une ouvre « exposante », comme il le déclare à Louise Colet, « mais cela ne veut pas dire didactique. Il faut faire des tableaux, montrer la nature telle qu'elle est, mais des tableaux complets, peindre le dessous et le dessus ». Conjuguer en fait l'analyse impersonnelle et la volonté de s'y impliquer, s'en abstraire et s'y fondre tout en brouillant les pistes comme les grands (Homère, Rabelais, Michel-Ange, Shakespeare, GoethE) : il y a bien là des contradictions et elles ne peuvent probablement se résoudre que dans le mouvement d'un roman où l'auteur sera « comme Dieu dans l'univers, présent partout et visible nulle part... » (lettre du 9 décembre 1852).



Une passion de l'écriture



La métaphore picturale, en effet, si elle vient préciser un certain rapport entre art et nature, ne permet pas de percevoir la dimension proprement littéraire de Flaubert, son travail d'écriture qui fut parfois une torture, parfois une volupté. S'il y a donc un réalisme de son ouvre, c'est bien celle du langage, cette seule réalité sur laquelle la littérature ait vraiment prise. Pour revenir aux deux « bonshommes » distincts que Flaubert évoquait lui-même, on se souvient que l'homme de petit fait vrai s'opposait au lyrique, amateur de « gueulades », de « phrases » et d'« idées ». Mais l'opposition est peut-être biaisée dans la mesure où c'est dans la phrase et l'idée que se produit ce conflit entre le « romantique » et le « réaliste ». Madame Bovary illustre bien cette tension en déconstruisant un discours par un autre, en annihilant les clichés de l'un par ceux de son antagoniste : la scène des Comices obéit à cette structure. En ce sens, le style original se dégage des styles convenus dont il fait la satire (le discours du politicien, du scientiste, du lyrique para-romantique, du curé...) comme il fait la chasse aux idées reçues de tout bord et en compose un dictionnaire. Mais l'ambiguïté tient au fait que cette bêtise multiple constitue justement le matériau de base d'une écriture qui, ainsi, charrie des débris de discours divers. Au-delà de Madame Bovary, il faut évidemment évoquer ici Bouvard et Pécuchet, engloutis par les textes mêmes où ils se plongent et qu'ils se donnent à recopier, à l'infini. Qu'est-ce, dès lors, que la littérature sinon un complexe jeu de reprises et de métamorphoses où l'on a bien du mal à trouver des repères fixes : dans la mesure où tous les discours se valent, où les idéologies se croisent, où trouver le discours sincère qui serait le point fixe pour comprendre tous les autres ?



Il n'y a peut-être pas de discours sincère ni de sens vrai, mais plutôt un effort esthétique qui a son authenticité en lui, qui n'a pas à se définir par rapport à une instance extérieure : le monde, une opinion personnelle de l'artiste ou même sa biographie qui devient presque un matériau indifférent... Et c'est là que serait au fond l'essentiel de la modernité de Flaubert : définir l'ouvre littéraire en fonction de sa littérarité, c'est-à-dire d'un certain usage des mots qui s'exhibe dans sa singularité au lieu de servir de véhicule à un sujet. C'est la fameuse déclaration de Flaubert dans sa lettre à Louise Colet (1852) : « Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l'air, un livre qui n'aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut. » La suite de la lettre définit un art libre et s'affranchissant de la matérialité, allant vers une disparition des formes anciennes au sens où celles-ci sont règles rigides ou simples ornements d'un fond.



En réalité, c'est plutôt du style que naît l'idée et la vision d'un monde singulier : on en revient ici à l'étude de Proust montrant l'effet, chez Flaubert, d'un imparfait ou d'un certain choix d'adverbes : pour créer une durée ou une densité du monde, il faut faire appel aux mots qui ont donc un rôle poétique, à un double titre. D'abord parce qu'ils créent les choses, pour ainsi dire, mais aussi parce qu'ils créent souvent les êtres qui voient le monde. Une curieuse dialectique s'instaure alors entre le mot et la chose ou l'absence même de la chose vécue par une conscience : « l'ennui », « l'immobile », « l'absence » évoqués par Jean Rousset. « Le miracle, ajoute-t-il, c'est de réussir a donner tant d'existence et de densité à des espaces vides, c'est de faire du plein avec du creux » (Forme et significatioN). En ce sens, le « réalisme » de Flaubert est bien plus une production qu'un reflet, l'aventure d'un récit plutôt que le récit d'une aventure. Apparemment, un premier degré de la narration s'est perdu, où l'innocence était possible, mais l'euphorie s'est déplacée ; elle est désormais à comprendre sur le plan d'un langage qui se perçoit lui-même à l'ouvre : « Je m'étais attendri moi-même en écrivant, je jouissais délicieusement, et de l'émotion de mon idée, et de la phrase qui la rendait, et de la satisfaction de l'avoir trouvée » (lettre à Louise Colet, 24 avril 1852).

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Charles Baudelaire
(1821 - 1867)
 
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Biographie

Charles Baudelaire, né à Paris en 1821, a six ans lorsqu'il perd son père, un peintre fantasque et cultivé, ancien prêtre assermenté. Sa mère se remarie avec le futur général Aupick, union que l'enfant qui rêve, de Lyon à Paris, au gré des garnisons, en de tristes internats, d'être « tantôt pape, tantôt comédien », accepte mal. Reçu au baccalauréat, tandis que son beau-père est nommé général de br

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