Clément Marot |
Je ne sais (mes très chers frèreS) qui m'a plus incité à mettre ces miennes petites jeunesses en lumière, ou vos continuelles prières, ou le déplaisir que j'ai eu d'en ouïr crier et publier par les rues une grande partie toute incorrecte, mal imprimée, et plus au profit du Libraire qu'à l'honneur de l'Auteur. Certainement toutes les deux occasions y ont servi : mais plus celle de vos prières. Puis doneques que vous êtes cause de l'évidence de l'ouvre, je suis d'avis, s'il en vient blâme, que la moitié en tombe sur vous : et s'il en sort (d'aventurE) honneur ou louange, que vous ne moi n'y ayons rien, mais celui à qui seul est dû honneur et gloire. Ne vous chaille (mes frèreS) si la courtoisie des lecteurs ne nous excuse, le titre du livre nous excusera. Ce sont ouvres de jeunesse, ce sont coups d'essai. Ce n'est, en effet, autre chose qu'un petit jardin, que je vous ai cultivé de ce que j'ai pu recouvrer d'arbres, d'herbes et fleurs de mon printemps : là où, toutefois, ne verrez un seul brin de souci2. Lisez hardiment, vous y trouverez quelque délectation : et en certains endroits quelque peu de fruit. Peu, dis-jc, pource qu'arbres nouveaux entés ne produisent pas fruit de trop grande saveur. Et pource qu'il n'y a jardin où ne se puisse rencontrer quelque herbe nuisante, je vous supplie (mes frères, et vous autres nobles LecteurS), si aucun mauvais exemple (d'aventurE) en lisant se présentait devant vos yeux, que vous lui fermiez la porte de vos volontés : et que le pis que vous tirerez de ce livre soit passe-temps. Espérant de bref vous faire offre de mieux : et pour arrhes de ce mieux, déjà je vous mets en vue, après {'Adolescence, ouvrages de meilleure trempe et de plus polie étoffe. Mais 1''Adolescence ira devant. Et la commencerons par la première Eglogue des Bucoliques virgiliennes, translatée (certeS) en grande jeunesse, comme pourrez en plusieurs sortes connaître ; mêmement par les coupes fëmenincs, lesquelles je n'observais encore alors : dont Jean le Maire de Belges3 (en les m'apprenanT) me reprit. Et adieu, frères très aimés : lequel ardemment je supplie vous donner et continuer sa grâce. De Paris, ce douzième d'août 1530. |
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Clément Marot (1496 - 1544) |
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Portrait de Clément Marot | |||||||||
BiographieClément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo ChronologieÉvénements historiquesOrientation bibliographique |
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