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Clément Marot



Colin - Poéme


Poéme / Poémes d'Clément Marot





Tu me requiers de ce dont j'ai envie ;

Sus donc mes vers, chantez chants douloureux

Puisque la mort a
Louise ravie,

Qui tant tenait nos courtils vigoureux.

Or sommes-nous maintenant malheureux,
Plus étonnés de sa mortelle absence,
Que les agneaux, à l'heure qu'entour eux
Ne trouvent pas la mère qui les pense.

Pleurons bergers,
Nature nous dispense.
Pleurons la
Mère au grand
Berger d'ici ;
Pleurons la mère à
Margot d'excellence ;
Pleurons la mère à nous autres aussi.

Ô grand
Pasteur, que tu as de souci !
Ne sais lequel, de toi, ou de ta mère
Me rend le plus de tristesse noircie ;
Chantez mes vers, chantez douleur amère.

Lorsque
Louise en sa loge prospère,

Son beau ménage en bon sens conduisait ;
Chacun pasteur, tant fut-il riche père,
Lieu là-dedans pour sa fille élisait.

Aucune fois
Louise s'avisait

Les faire seoir toutes sous un grand orme,

Et elle étant au milieu, leur disait :

«
Filles, il faut que d'un point vous informe.

Ce n'est pas tout, qu'avoir plaisante forme,
Bordes, troupeaux, riche père et puissant ; 11 faut prévoir, que vice ne déforme
Par long repos votre âge fleurissant.

Oisiveté n'allez point nourrissant,

Car elle est pire, entre jeunes bergères.
Qu'entre brebis ce grand loup ravissant,
Qui vient au soir toujours en ces fougères.
A travailler soyez donc légères ;

Que
Dieu pardonne au bon homme
Roger,
Toujours disait que chez les ménagères

Oisiveté ne trouvait à loger.
Ainsi disait la
Mère au grand
Berger,
Et à son dit travaillaient pastorelles ;
L'une plantait herbes en un verger ;
L'autre paissait colombs et tourterelles ;

L'autre à l'aiguille ouvrait choses nouvelles ;
L'autre, en après, faisait chapeaux de fleurs ;
Or maintenant ne sont plus rien les belles,
Sinon ruisseaux, de larmes et de pleurs.

Converti ont leurs danses en douleurs.
Le bleu en brun, le vergay en tanné ;
Et leurs beaux teints en mauvaises couleurs
Chantez mes vers, chantez deuil ordonné.

Dès que la mort ce grand coup eut donné,
Tous les plaisirs champêtres s'assoupirent ;
Les petits vents alors n'ont allevé
Mais les forts vents encore en soupirent.

Feuilles et fruits des arbres abatirent ;
Le clair soleil chaleur plus ne rendit ;
Du manteau vert les près se dévêtirent ;
Le
Ciel obscur larmes en répandit.

Le grand pasteur sa musette fendit,

Ne voulant plus que de pleurs se mêler,
Dont son troupeau, qui plaindre l'entendit,
Laissa le paître et se prit à bêler.

Et quand
Margot ouït tout révéler,
Son gentil cour ne fut assez habile
Pour garder l'oil de larmes distiller,
Mais de ses pleurs en fait bien pleurer mille

Terre en ce temps devint nue et débile ;
Plusieurs ruisseaux tous à sec démourérent
La mer en fut troublée et mal tranquille,
Et les dauphins bien jeunes y pleurèrent.

Biches et cerfs étonnés s'arrêtèrent ;
Bêtes de proie et bêtes de pâture,
Tous animaux
Louise regrettèrent,
Exceptés loups de mauvais nature.
Tant, en effet, griève fut la pointure,
Et de malheur l'aventure si pleine,
Que le beau lys en prit noire teinture,
Et les troupeaux en portent noire laine.
Sur arbre sec s'en complaît
Philomène ;
L'aronde en fait cris piteux et tranchants,
La tourterelle en gémit, et en mène
Semblable deuil, et s'accorde à leurs chants. Ô francs bergers sur franche herbe marchant,
Qu'en dites-vous ?
Quel deuil, quel ennui est-ce
De voir sécher la fleur de tous nos champs ?
Chantez mes vers, chantez adieu liesse.
Nymphes et dieux, de nuit en grand' détresse
La vinrent voir et lui dirent : «
Hélas,
Dors-tu ici, des bergers la maîtresse, ou si c'est mort, qui t'a mise en ses lacs ?
Las, ta couleur (telle comme tu l'as)
Nous juge bien, que morte tu reposes.
Ah mort fâcheuse !
Onques ne te mêlas
Que de ravir les excellentes choses. »
Tant eut au chef de sagesses encloses,
Tant bien savait le clos de
France aimer,
Tant bien y sut au lys rendre les roses,
Tant bien y sut bonnes herbes semer.
Tant bien savait en seurté confermer
Tout le bétail de toute la contrée.
Tant bien savait son
Parc clore, et fermer.
Qu'on n'a point vu les loups y faire entrée.



Tant a de fois sa prudence montrée

Contre le temps obscur et pluvieux,

Que
France n'a (longtemps a) rencontrée

Telle bergère, au rapport des plus vieux.
Adieu
Louise, adieu en larmes d'yeux ;

Adieu le corps qui la terre décore.

En ce disant, s'en vont nymphes et dieux ;

Chantez mes vers, chantez douleur encore.
Rien n'est ça bas qui cette mort ignore ;

Cognac s'en cogne en sa poitrine blême,

Romorantin sa perte remémore ;

Anjou fait joug,
Angoulème est de même.
Amboise en boit une amertume extrême ;

Le
Maine en mène un lamentable bruit ;

La pauvre
Touvre, arrosant
Angoulème,

A son pavé de truites tout détruit.
Et sur son eau chantent de jour et de nuit

Les cygnes blancs, dont toute elle est couverte.

Pronostiquant en leur chant, qui leur nuit,

Que mort, par mort, leur tient sa porte ouverte.
Que faites-vous en cette forêt verte

Faunes, sylvains ?
Je crois que dormez là ;

Veillez, veillez, pour pleurer cette perte ;

Ou si dormez, en dormant songez-la.
Songez la mort, songez le tort qu'elle a ;

Ne dormez point sans songer la méchante ;

Puis au réveil, contez-moi tout cela

Qu'aurez songé afin que je le chante.
D'où vient cela, qu'on voit l'herbe séchante,

Retourner vive, alors que l'été vient ?

Et la personne au tombeau trébuchante,

Tant grande soit, jamais plus ne revient ?
Ah, quand j'ouis l'autre hier (il me souvient)



Si fort crier la corneille en un chêne,
C'est un grand cas (dis-je lors) s'il n'advient
Quelque meschef, bientôt, en cestui règne.

Autant m'en dit le corbeau sur un frêne,
Autant m'en dit l'étoile à la grand' queue,
Dont je lâchai à mes soupirs la rêne,
Car telle douleur ne pense avoir onc eue.

Chantez mes vers fraîche douleur conçue.
Non, taisez-vous, c'est assez déploré ;
Elle est aux champs élyséens reçue,
Hors des travaux de ce monde éploré.

Là où elle est n'y a rien défloré ;

Jamais le jour, et les plaisirs n'y meurent ;
Jamais n'y meurt le vert bien coloré,
Ni ceux avec, qui là-dedans demeurent,

Car toute odeur ambrosienne y fleurent.
Et n'ont jamais ni deux, ni trois saisons,
Mais un printemps : et jamais ils ne pleurent
Perte d'amis, ainsi que nous faisons.

En ces beaux champs, et naïves maisons,
Louise vit, sans peur, peine ou mésaise ;
Et nous ça bas, pleins d'humaines raisons,
Sommes marris (ce semble) de son aise.

Là ne voit rien, qui en rien lui déplaise,
Là mange fruit d'inestimable prix,
Là boit liqueur, qui toute soif apaise,
Là connaîtra mille noble esprits.

Tous animaux plaisants y sont compris ;
Et mille oiseaux y font joie immortelle.
Entre lesquels vole par le pourpris
Son papegay, qui partit avant elle.

Là elle voit une lumière telle,

Que pour la voir mourir devrions vouloir



Puisqu'elle a donc tant de joie éternelle,
Cessez mes vers, cessez de vous douloir.

Mettez vous monts, et pins en nonchaloir,
Venez en
France, ô nymphes de
Savoie,
Pour faire honneur à celle qui valoir
Fait par son los, son pays, et sa voie.

Savoisienne était, bien le savait,

Si faites-vous : venez donques, afin
Qu'autant mourir votre oil par deçà voit, là où fut mise après heureuse fin.

Portez au bras chacune plein couffin

D'herbes et fleurs, du lieu de sa naissance.

Pour les semer dessus son marbre fin.

Le mieux pourvu, dont ayons connaissance.

Portez rameaux parvenus à croissance,
Laurier, lierre et lys blancs honorés,
Romarin vert,
Roses en abondance,
Jaune souci, et bassinets dorés,

Passeveloux de pourpre colorés,

Lavande franche, oillets de couleurs vive,

Aubepins blancs, aubepins azurés,

Et toutes fleurs de grand' beauté naïve.

Chacune soit d'en porter attentive ;
Puis sur la tombe en jettez bien épais.
Et n'oubliez force branches d'olive ;
Car elle était la
Bergère de paix ;

Laquelle sut dresser accords parfaits
Entre
Bergers, alors que par le monde
Tâchaient l'un l'autre à se rendre défaits,
A coup de goi, de houlette, et de fronde.

Viens le dieu
Pan, viens plus tôt que l'aronde.
Pars de tes parcs, d'Arcadie déplace
Cesse à chanter de
Syrinxe la blonde.

Approche-toi, et te mets en ma place,
Pour exalter avec meilleure grâce

Celle de qui je me suis entremis ;

Non (pour certain) que d'en parler me lasse,

Mais tu as tort que tu ne la gémis.
Et toi,
Thénot, qui à pleurer t'es mis

En m'écoutant parler de la très bonne.

Délivre-moi le chalumeau promis,

A cette fin qu'en concluant la sonne.
Et que du son rende grâce, et donne

Louange aux dieux des hauts monts et des plains,

Si hautement, que ce val en résonne ;

Cessez mes vers, cessez ici vos plaints.



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Clément Marot
(1496 - 1544)
 
  Clément Marot - Portrait  
 
Portrait de Clément Marot

Biographie

Clément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo

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