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Clément Marot



Comment la mort sur i,e propos de république parle à tous humains - Poéme


Poéme / Poémes d'Clément Marot





Peuple séduit, endormi en ténèbres

Tant de longs jours par la doctrine d'homme,
Pourquoi me fais tant de pompes funèbres,
Puisque ta bouche inutile me nomme ?
Tu me maudis quand tes amis assomme,


Mais quand ce vient qu'aux obsèques on chante.
Le prêtre adonc, qui d'argent en a somme,
Ne me dit pas maudite ne méchante.

Ainsi, pour vrai, de ma pompe ordinaire
Amende plus le vivant que le mort,


Car grand tombeau, grand deuil, grand luminaire

Ne peut laver l'âme que péché mord.

Le sang de
Christ, si la foi te remord,

Lave seul l'âme , ains que le corps dévie ;

Et toutefois, sans moi qui suis la mort,
Aller ne peut en l'éternelle vie.

Pourtant, si suis défaite et dessirée,
Ministre suis des grands trésors du ciel,
Dont je devrais être plus désirée
Que cette vie amère plus que fiel ;
Plus elle est douce et moins en sort de miel ;
Plus tu y vis, plus te charges de crimes ;
Mais, par défaut d'esprit célestiel,
En t'aimant trop, tu me hais et déprimes.

Que dis-je aimer ?
Celui ne s'aime en rien,
Lequel voudrait toujours vivre en ce monde,

Pour se frustrer du tant souverain bien

Que lui promet vérité pure et monde,

Possédât-il mer et terre féconde,

Beauté, savoir, santé sans empirer;
II ne croit pas qu'il soit vie seconde;

Ou, s'il la croit, il me doit désirer.

L'apôtre
Paul, saint
Martin charitable
Et
Augustin, de
Dieu tant écrivant,
Maint autre saint, plein d'esprit véritable,
N'ont désiré que mort en leur vivant.
Or est ta chair contre moi étrivant ;
Mais, pour l'amour de mon père céleste ,
T'enseignerai comme iras ensuivant
Ceux à qui onc mon dard ne fut moleste.


Prie à
Dieu seul que par grâce te donne
La vive foi dont saint
Paul tant écrit.
Ta vie après du tout lui abandonne,

Qui en péché journellement aigrit ;
Mourir pour être avecques
Jésus-Christ
Lors aimeras plus que vie mortelle.
Ce beau souhait fera le tien esprit ;
La chair ne peut désirer chose telle.

L'âme est le feu, le corps est le tison ;

L'âme est d'en haut, et le corps inutile
N'est autre cas qu'une basse prison

En qui languit l'âme noble et gentille.

De tel prison j'ai la clef très subtile;

C'est le mien dard à l'âme gracieux,

Car il la tire hors de sa prison vile
Pour avec foi la renvoyer es cieux.

Tiens-toi donc fort du seul
Dieu triomphant,
Croyant qu'il est ton vrai et propre père.
Si ton père est, tu es donc son enfant
Et héritier de son règne prospère.
S'il t'a tiré d'éternel impropère,

Durant le temps que ne le connaissois,
Que fcra-t-il s'en lui ton cour espère ?
Douter ne faut que mieux traité ne sois.

Et pour autant que l'homme ne peut faire
Qu'il puisse vivre ici-bas sans péché ,

Jamais ne peut envers
Dieu satisfaire ;

Et plus lui doit le plus tard dépêché.

Donc, comme
Christ, en la croix attaché,

Mourut pour toi, mourir pour lui désire !
Qui pour lui meurt est du tout relâché

D'ennui, de peine et péché qui est pire.

Qui fait le coup?
C'est moi ; tu le sais bien.
Airisi je suis au chrétien qui dévie
Fin de péché, commencement de bien,
Fin de langueur, commencement de vie.

O toi, vieillard, pourquoi donc prends envie
De retourner en ta jeunesse pleine?
Veux-tu rentrer, en misère asservie,
Dont échappé tu es à si grand peine ?


Si tu me dis qu'en te venant saisir
Je ne te fais sinon tort et nuisance,
Et que tu n'as peine ne déplaisir,
Mais tout plaisir, liesse et toute aisance,
Je dis qu'il n'est déplaisir que plaisance,


Vu que sa fin n'est rien que damnement ,
Et dis qu'il n'est plaisir que déplaisance,
Vu que sa fin redonde à sauvement.

Quel déplaisance entends-tu que je die ?
Craindre mon dard ?
Cela n'entends-je point ;


J'entends pour
Dieu souffrir deuil, maladie,
Perte et méchef, tant viennent mal à point,
Et mettre jus par foi, car c'est le point,
Désirs mondains et liesses charnelles.
Ainsi mourant sous ma darde qui point,


Tu en auras qui seront éternelles.

Doncqucs par moi contristé ne seras,
Ains par fiance et d'un joyeux courage,
Pour à
Dieu seul obéir, laisseras
Trésors, amis, maisons et labourage;
Clair temps de loin est signe que l'orage
Fera de l'air tôt séparation ;
Ainsi tel foi au mourant personnage
Est signe grand de sa salvation.

Le
Christ, afin que de moi n'eusses crainte,
Premier que toi voulut mort encourir.
Et en mourant ma force a si éteinte
Que quand je tue, on ne saurait mourir.
Vaincue m'a pour les siens secourir,

Et plus ne suis qu'une porte ou entrée
Qu'on doit passer voulentiers pour courir
De ce vil monde en céleste contrée.

Jadis celui que
Moïse l'on nomme
Un grand serpent tout d'airain élevoit,
Qui (pour le voir) pouvait guérir un homme
Quand un serpent naturel mors l'avoit.
Ainsi celui qui par vive foi voit
La mort de
Christ, guérit de ma blessure
Et vit ailleurs plus que ici ne vivoit,
Que dis-je plus ? mais sans fin, je t'assure.


Parquoi bien folle est la coutume humaine

Quand aucun meurt porter et faire deuil.

Si tu crois bien que
Dieu vers lui le mène,

A quelle fin en jettes larmes d'ceil ?

Le veux-tu vif tirer hors du cercueil,
Pour à son bien mettre empêche et défense ?

Qui pour ce pleure est marri dont le vueil

De
Dieu est fait ; juge si c'est offense.

Laisse gémir et braire les païens

Qui n'ont espoir d'éternelle demeure.
Faute de foi te donne les moyens

D'ainsi pleurer quand faut que quelqu'un meure.

Et quant au port du drap plus noir que meure,

Hypocrisie en a taillé l'habit,

Dessous lequel tel pour sa mère pleure
Qui bien voudrait de son père l'obit.

Messes sans nombre et force anniversaires,
C'est belle chose, et la façon j'en prise;
Si sont les chants, cloches et luminaires ;
Mais le mal est en l'avare prêtrise *° ;
Car, si tu n'as vaillant que ta chemise,
Tiens-toi certain qu'après le tien trépas

Il n'y aura ni couvent ni église

Qui pour toi sonne ou chante ou fasse un

N'ordonne à toi telles solennités,
Ne sous quel marbre il faudra qu'on t'ei

Car ce ne sont vers
Dieu que vanités.

Salut ne gît en tombeau ni en terre.

Le bon chrétien au ciel ira grand erre,

Fût le sien corps en la rue enterré ;
Et le mauvais en enfer tiendra serre,

Fût le sien corps sous l'autel enserré.





Mais pour tomber à mon premier propos
Ne me crains plus, je te prie, ne maudis ;
Car qui voudra en éternel repos
Avoir de
Dieu les promesses et dits,
Qui voudra voir les anges bénédits,
Qui voudra voir de son vrai
Dieu la face,
Bref, qui voudra vivre au beau paradis,
Il faut premier que mourir je le face.






Confesse donc que je suis bienheureuse,
Puisque sans moi tu ne peux être heureux
Et que ta vie est aigre et rigoureuse,
Et que mon dard n'est aigre ou rigoureux.
Car tout au pis, quand l'esprit vigoureux


Serait mortel comme le corps immonde,
Encore t'est ce dard bien amoureux
De te tirer des peines de ce monde.



l'acteur



Quand mort prêchait ces choses ou pareilles,
Ceux qui avaient les plus grandes oreilles
N'en désiraient entendre mots quelconques ;
Parquoi se tut et fit marcher adoneques
Son chariot en grand triomphe et gloire

Et le défunt mener à
Blois sur
Loire,
Où les manants, pour le corps reposer,


Préparaient tombe et pleurs pour l'arroser.
Or est aux champs ce mortel chariot,
Et n'y a blé, sauge ne pouliot,
Fleurs ni boutons, hors de la terre issus,
Qu'il n'amortisse en passant par-dessus.


Taupes et vers, qui dedans terre hantent,
Tremblent de peur, et bien passer le sentent.
Même la terre en sûrté ne se tient,
Et à regret ce chariot soutient.
Là-dessus est la mort maigre et vilaine,


Qui de sa froide et pestiféré haleine
L'air d'entour elle a mis en tel méchef
Que les oiseaux volant par sus son chef
Tombent d'en haut et morts à terre gisent,
Excepté ceux qui les malheurs prédisent.


Boufs et juments courent par le pays,
De voir la mort grandement ébahis ;
Le loup cruel craint plus sa face seule
Que la brebis du loup ne craint la gueule.
Tous animaux de quelconques manières

o
A sa venue entrent en leurs tanières.

Quand elle approche ou fleuves ou étangs,
Poules, canards et cygnes là étant
Au fond de l'eau se plongent et se cachent
Tant que la mort loin de leur rive sachent.


Et se elle approche une ville ou bourgade,
Le plus hardi se musse ou chet malade,
Ou meurt de peur ; nobles, prêtres, marchands
Laissent la ville et gagnent l'air des champs.
Chacun fait voie à la chimère vile ;


Et quand on voit qu'elle a passé la ville,
Chacun revient ; lors on épand et rue
Eaux de senteurs et vinaigre en la rue.
Puis es cantons feu de genèvre allument
Et leurs maisons éventent et parfument,


A leur pouvoir de la ville chassant

L'air que la mort y a mis en passant .
Tant fait la mort qu'auprès de
Blois arrive

Et côtoyait jà de
Loire la rive,

Quand les poissons grands, moyens et petits
Le haut de l'eau laissèrent tout craintifs,

Et vont trouver, au plus profond et bas,

Loire, leur
Dieu, qui prenait ses ébats

Dedans son creux avec ses sours et filles,

Dames des eaux, les
Naïades gentilles.
Mais bien à coup ses ébats se perdirent,

Car les poissons en leur langue lui dirent

Comment la mort, qu'ils avaient rencontrée,

Avait occis quelqu'un de sa contrée.

Le fleuve
Loire adonc en ses esprits
Bien devina que la mort avait pris

Son bon voisin ; dont si fort lamenta

Que de ses pleurs ses ondes augmenta ;

Et n'eût été qu'il était immortel,

Trépassé fût d'avoir un remords tel.
Ce temps pendant la mort fait ses exploits

De faire entrée en la ville de
Blois,

Dedans laquelle il n'y a citoyen

Qui pour fuir cherche lieu ni moyen.

Car du défunt ont plus d'amour empreinte
Dedans leurs cours que de la mort n'ont crainte

De leurs maisons partirent séculiers ;

Hors des couvents sortirent réguliers.

Justiciers laissèrent leurs pratiques ;

Gens de labeur serrèrent leurs boutiques.
Dames aussi, tant fussent bien polies,

Pour ce jour-là ne se firent jolies .

Toutes et tous, des grands jusqu'aux menus,

Loin au-devant de ce corps sont venus,

Sinon aucuns qui les cloches sonnaient
Et qui la fosse et la tombe ordonnaient.

Ses cloches donc chacune église ébranle,

Sans carillon, mais toutes à grand branle

Si hautement que le ciel entendit

La belle
Echo , qui pareil son rendit.
Ainsi reçu ont honorablement

Leur ami mort, et lamentablement

L'ont amené avec croix et bannières,

Cierges, flambeaux de diverses manières,

Dedans l'église au bon saint
Honoré,
Là où
Dieu fut pour son âme imploré

Par
Augustins, par
Jacobins et
Carmes

Et
Cordeliers.
Puis avec pleurs et larmes

Enterré l'ont ses parents et amis.

Et aussitôt qu'en la fosse il est mis,
Et que sur lui terre et tombe l'on voit,

La fière mort, qui amené l'avoit,

Subtilement de là s'évanouit,

Et oneques puis on ne la vit n'ouït.

Tel fut conduit dedans
Blois, la comté,
L'ordre funèbre, ainsi qu'on m'a conté.

Si l'ai compris succinct en cet ouvrage,

Fait en faveur de maint noble courage.

S'il y a mal, il vient tout de ma part ;

S'il y a bien, il vient d'où le bien part.
Mort n'y mord.

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Clément Marot
(1496 - 1544)
 
  Clément Marot - Portrait  
 
Portrait de Clément Marot

Biographie

Clément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo

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