Clément Marot |
Puisqu'on sait bien, ô perverse chimère, Que toute rage en toi se peut choisir Jusqu'à tuer avec angoisse amère L'enfant petit au ventre de sa mère, Sans lui donner de naître le loisir ; Puisqu'ainsi est, pourquoi prends-tu plaisir A montrer plus ta force tant connue, Dont ne te peut louange être advenue ? Qui de son corps la force met en preuve Devant ses yeux, los ou gain lui appert. Mais en effet, où la tienne s'épreuve, Blâme pour los, perte pour gain se treuve. Chacun t'en blâme et tout le monde y perd. Perdu nous as l'homme en conseil expert, Et l'as jeté mort dedans le giron De France, hélas, qui pleure à l'environ. François, franc roi de France et des Français, Tu le fus voir quand l'âme il voulait rendre ; De lui donner réconfort t'avançais, Et en ton cour contre la mort tançais, Qui ton bon serf au besoin venait prendre. O quelle amour impossible à comprendre ! Santé cent ans puisse avoir un tel maître, Et du servant au ciel puisse l'âme être. France et la fleur de ses princes ensemble Le corps au temple à grand deuil ont mené, Lors cette dame à Hécuba l ressemble Quand ses enfants alentour d'elle assemble, Pour lamenter Hector, son fils aîné. Quiconque fut Hector, aux armes né, Robertet fut notre Hector en sagesse ; Pallas aussi lui en fit grand largesse. Au fond du cour les larmes vont puisant Pauvres de cour pour pleurer leur ruine. Et toi, Labeur, tu ne vois plus luisant Ce clair soleil qui était tant duisant A éclaircir de ce temps la bruine. Processions, ne chanter en rue hymne, N'ont su mouvoir fière mort à merci. Blâmez-la donc, et lui dites ainsi : Vieille effacée, infecte, image immonde, Crainte de gens, pensement soucieux, Quel bon avis, quelle sagesse abonde En ton cerveau, d'appauvrir ce bas monde, Pour enrichir de nos biens les hauts cieux ? Que maudit soit ton dard malicieux; En un seul coup s'est montré trop habile D'en tuer un et en navrer cent mille. Tu as froissé la main tant imitable Qui au profit de moi, lasse, écrivoit; Tu as cousu la bouche véritable, Tu as percé le cour tant charitable Et assommé le chef qui tant savoit. Mais, malgré toi, de lui çà-bas se voit Un clair renom , qui ce tour te fera Que par sus toi sans fin triomphera. Tu as défait, ô lourde et mal adextre, Ta non nuisance et notre allégement. Endormi as de ta pesante dextre Cil qui ne peut réveillé au monde estre Jusques au jour du final jugement; Las, et tandis nous souffrons largement, N'ayant recours qu'au ciel et à nos larmes Pour nous venger de tes soudains alarmes. De vos deux yeux, vous, sa chère épousée lb, Faites fontaine où puiser on puisse eau ! Filles de lui, votre face arrousée De larmes soit, non comme de rousée, Mais chacun oil soit un petit ruisseau ; Chacun des miens en jette plus d'un seau; De tout cela faisons une rivière Pour y noyer la mort qui est si fière. Ha, la méchante ! écoutez sa malice ! Premier occit, en martial détroit, Quatre meilleurs chevaliers de ma lice : Lescut, Bayard, La Tremoillc et Pallice, Puis est entrée en mon conseil étroit , Et de la troupe alla frapper tout droit Le mieux aimé et le plus diligent. Souvent de tels est un peuple indigent. Si son nom propre à dire on me semond Je répondrai qu'à son los se compassé ; Son los fleurit, son nom c'est Florimond, Un mont flori, un plus que flori montl, Qui de hauteur Parnassus outrepasse, Car Parnassus sans plus les nues passe, Et cestui vainc la hauteur cristalline ; Mais tous deux ont fontaine caballine . De Robertet le nom partout s'épart, En Tartarie, Espagne et la Morée. Deux fils du nom nous restent de sa part, Et un neveu Z, qui d'esprit, forme et art Semble Phébus à la barbe dorée. De lui se sert Dame France honorée En ses secrets, car le nom y consonne. Si fait son sens, sa plume et sa personne. Vous, ses deux fils, ne sont vos yeux lassés ? Cessez vos pleurs, cessez, François et Claude, Et en latin, dont vous savez assez, Ou en beau grec quelque ouvre compassez Qui après mort votre père collaude. Puis incrépez cette mort qui nous fraude, En lui prouvant par dits philosophaux Comme inutile est son dard et sa faux. l'acteur Incontinent que la mort entendit Que l'on voulait inutile la dire, Son bras tout sec en arrière étendit Et fièrement son dard mortel brandit, Pour République en frapper par grand ire. Mais tout à coup de fureur se retire Et d'une voix qui semblait bien lointaine Dit telle chose utile et très certaine. |
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Clément Marot (1496 - 1544) |
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Portrait de Clément Marot | |||||||||
BiographieClément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo ChronologieÉvénements historiquesOrientation bibliographique |
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