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Clément Marot



élégie xvi - Élégie


Élégie / Poémes d'Clément Marot





Qui eût pensé, que l'on pût concevoir
Tant de plaisir pour lettres recevoir ?
Qui eût cuidé' le désir d'un cour franc
Etre caché dessous un papier blanc ?
Et comme peut un oil au cour élire
Tant de confort2 par une lettre lire ?
Certainement, dame très honorée,
J'ai lu des saints la
Légende dorée.
J'ai lu
Alain', le très noble orateur



Et
Lancelot, le très plaisant menteur.
J'ai lu aussi le
Roman de la
Rose,
Maître en
Amours, et
Valère , et
Orose5,
Contant les faits des antiques
Romains.
Bref, en mon temps j'ai lu des livres maints,
Mais en nul d'eux n'ai trouvé le plaisir
Que j'ai bien su en vos lettres choisir.
J'y ai trouvé un langage bénin
Rien ne tenant du style féminin.
J'y ai trouvé suite de bon propos,
Avec un mot, qui a mis en repos
Mon cour étant travaillé de tristesse,
Quand me souffrez vous nommer ma maîtresse.
Dieu vous doint donc, ma maîtresse très belle (Puisqu'il vous plait qu'ainsi je vous appelle),
Dieu vous doint donc amoureux appétit
De bien traitter votre servant petit. Ô moi heureux d'avoir maîtresse au monde.
En qui vertu sous grand'beauté abonde !
Tel est le bien qui me fut apporté
Par votre lettre, où me suis conforté,
Dont je maintiens la plume bien heurée
Qui récrivit lettre tant désirée ;
Bienheureuse est la main qui la ploya,
Et qui vers moi, de grâce, l'envoya ;
Bienheureux est qui apporter la sut,
Et plus heureux celui qui la reçut.



Tant plus avant cette lettre lisais
En aise grand'tant plus me déduisais ,
Car mes ennuis sur le champ me laissèrent,
Et mes plaisirs d'augmenter ne cessèrent
Tant que j'eus lu un mot qui ordonnait
Que cette lettre ardre7 me convenait.
Lors mes plaisirs d'augmenter prirent cesse.
Pensez adonc en quel doute et presse
Mon cour était : l'obéissance grande

Que je vous dois, brûler me la commande,
Et le plaisir que j'ai de la garder.
Me le défend et m'en vient retarder.



Aucune fois au feu je la boutai
Pour la brûler ; puis soudain l'en ôtai,
Puis l'y remis, et puis l'en reculai,
Mais à la fin, à regret, la brûlai
En disant : «
Lettre (après l'avoir baisée),
Puisqu'il lui plaît, tu seras embrasée,
Car j'aime mieux deuil en obéissant
Que tout plaisir en désobéissant. »
Voilà comment poudre, et cendre devine
L'aise plus grand qu'à moi onques advint.



Mais si de vous j'ai encor quelque lettre,
Pour la brûler, ne la faudra que mettre
Près de mon cour ; là elle trouvera
Du feu assez, et si éprouvera
Combien ardente est l'amoureuse flamme,
Qui de mon cour las pour vos vertus enflamme.



Au moins en lieu des tourments et ennuis
Que votre amour me donne jours et nuits,
Je vous supplie de prendre, pour tous mets,
Un cristallin miroir, que vous transmets.
En le prenant, grand joie m'adviendra,
Car, comme crois, de moi vous souviendra,
Quand là-dedans mirerez cette face,

Qui de beauté toutes autres efface.



Il est bien vrai, et tiens pour sûreté,
Qu'il n'est miroir, ne sera, n'a été,
Qui sut au vif montrer parfaitement
Votre beauté : mais croyez sûrement,
Si vos yeux clairs plus que ce cristallin
Vissent mon cour féal , et non malin,
Ils trouveraient là-dedans imprimée
Au naturel votre face estimée.



Semblablement avec votre beauté.
Vous y verriez la mienne loyauté.
En la voyant, votre gentil courage
Pourrait m'aimer quelque point davantage.
Plût or à
Dieu donques, que puissiez voir
Dedans ce cour, pour un tel heur avoir !
C'est le seul bien où je tends et aspire.



Et pour la fin9 rien je ne vous désire10,
Fors que cela, que vous vous désirez,
Car mieux que moi vos désirs choisirez.

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Clément Marot
(1496 - 1544)
 
  Clément Marot - Portrait  
 
Portrait de Clément Marot

Biographie

Clément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo

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