Clément Marot |
Je ne t'écris de l'amour vaine et folle : Tu vois assez s'elle sert ou affole. Je ne t'écris ne d'armes ne de guerre : Tu vois qui peut bien ou mal y acquerre. Je ne t'écris de Fortune puissante : Tu vois assez s'elle est ferme ou glissante. Je ne t'écris d'abus trop abusant : Tu en sais prou, et si n'en vas usant. Je ne t'écris de Dieu ne sa puissance : C'est à lui seul t'en donner connaissance. Je ne t'écris des Dames de Paris : Tu en sais plus que leurs propres maris. Je ne t'écris qui est rude ou affable, Mais je te veux dire une belle fable : C'est assavoir du Lion et du Rat. Cestui lion, plus fort qu'un vieux verrat, Vit une fois que le rat ne savait Sortir d'un lieu, pour autant qu'il avait Mangé le lard et la chair toute crue. Mais ce lion (qui jamais ne fut grue) Trouva moyen, et manière, et matière, D'ongles et dents, de rompre la ratière ; Dont maître rat échappe vitement. Puis mit à terre un genou gentement, Et en ôtant son bonnet de la tête, A mercié mille fois la grand bête : Jurant le dieu des souris et des rats Qu'il lui rendrait. Maintenant tu verras Le bon du conte. Il advint d'aventure Que le lion, pour chercher sa pâture, Saillit dehors sa caverne et son siège; Dont (par malheur) se trouva pris au piège, Et fut lié contre un ferme poteau. Adonc le rat, sans serpe ne couteau, Y arriva joyeux et ébaudi, Et du lion (pour vrai) ne s'est gaudi; Mais dépita chats, chattes et chatons, Et prisa fort rats, rates et ratons, Dont il avait trouvé temps favorable Pour secourir le lion secourable ; Auquel a dit : « Tais-toi, lion lié, Par moi seras maintenant délié ; Tu le vaux bien, car le cour joli as. Bien y parut, quand tu me délias. Secouru m'as fort lionneusement, Or secouru seras rateusement. » Lors le lion ses deux grands yeux vêtit, Et vers le rat les tourna un petit, En lui disant : « O pauvre verminière, Tu n'as sur toi instrument, ne manière, Tu n'as couteau, serpe, ne serpillon, Qui sût couper corde, ne cordillon, Pour me jeter de cette étroite voie. Va te cacher, que le chat ne te voie. - Sire Lion (dit le fils de souris) De ton propos (certes) je me souris. J'ai des couteaux assez, ne te soucie, De bel os blanc plus tranchant qu'une scie : Leur gaine, c'est ma gencive, et ma bouche. Bien couperont la corde qui te touche De si très près : car j'y mettrai bon ordre. » Lors sire Rat va commencer à mordre Ce gros lien ; vrai est qu'il y songea Assez longtemps ; mais il le vous rongea Souvent, et tant, qu'à la parfin tout rompt. Et le lion de s'en aller fut prompt, Disant en soi : « Nul plaisir (en effet) Ne se perd point, quelque part où soit fait. » Voilà le conte en termes rimasses : II est bien long, mais il est vieil assez, Témoin Esope, et plus d'un million. Or viens me voir, pour faire le lion ; Et je mettrai peine, sens et étude D'être le rat, exempt d'ingratitude ; J'entends, si Dieu te donne autant d'affaire Qu'au grand lion : ce qu'il ne veuille faire. |
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Clément Marot (1496 - 1544) |
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Portrait de Clément Marot | |||||||||
BiographieClément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo ChronologieÉvénements historiquesOrientation bibliographique |
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