Clément Marot |
Sur le printemps, que la belle Flora Les champs couverts de diverse flour a, Et son ami Zéphyrus les évente, Quand doucement en l'air soupire et vente, Ce jeune enfant Cupido, dieu d'aimer, Ses yeux bandés commanda défermer, Pour contempler de son trône céleste Tous les amants, qu'il atteint et moleste. Adonc il vit autour de ses charrois D'un seul regard maints victorieux rois, Hauts empereurs, princesses magnifiques, Laides et laids, visages déifiques, Filles et fils en la fleur de jeunesse, Et les plus forts sujets à sa hautesse. Bref il connut que toute nation Ployait sous lui, comme au vent le scion. Et qui plus est, les plus souverains dieux Vit trébucher sous ses dards furieux. Mais ainsi est, que ce cruel enfant, Me voyant lors en âge triomphant Et m'éjouir entre tous ses soudards, Sans point sentir la force de ses dards, Voyant aussi qu'en mes ouvres et dits J'allais blâmant d'amours tous les édits, Délibéra d'un assaut amoureux Rendre mon cour (pour une) langoureux. Pas n'y faillit. Car par trop ardente ire Hors de sa trousse une sagette tire De bois mortel, empenné de vengeance, Portant un fer forgé par déplaisance Au feu ardent de rigoureux refus, Laquelle lors (pour me rendre confus) Il déchargea sur mon cour rudement. Qui lors connut mon extrême tourment, Bien eût le cour rempli d'inimitié, Si ma douleur ne l'eût mû à pitié. Car d'aucun bien je ne fus secouru De celle-là, pour qui j'étais féru : Mais tout ainsi que le doux vent Zéphyre Ne pourrait pas fendre marbre ou porphyre, Semblablement mes soupirs et mes cris, Mon doux parler et mes humbles écrits, N'eurent pouvoir d'amollir le sien cour, Qui contre moi lors demeura vainqueur. Dont connaissant ma cruelle Maîtresse Etre trop forte et fière forteresse Pour chevalier si faible que j'étais : Voyant aussi que l'amour, où jetais Le mien regard , portait douleur mortelle, Délibérai si fort m'éloigner d'elle Que sa beauté je mettrais en oubli. Car qui d'amour ne veut prendre le pli, Et a désir de fuir le danger De son ardeur, pour tel mal étranger, Besoin lui est d'éloigner la personne A qui son cour énamouré se donne. Si fis dès lors (pour plus être certain De l'oublier) un voyage lointain : Car j'entrepris, sous espoir de liesse, D'aller chercher une haute déesse, Que Jupiter de ses divines places Jadis transmit en ces régions basses Pour gouverner les esperits loyaux Et résider es domaines royaux. C'est Ferme Amour, la Dame pure et monde, Qui, longtemps a, ne fut vue en ce monde. Sa grand bonté me fit aller grand erre Pour la chercher en haute mer et terre, Ainsi que fait un Chevalier errant Et tant allai celle dame quérant, Que, peu de temps après ma départie, J'ai circuit du monde grand partie, Où je trouvai gens de divers regard, A qui je dis : « Seigneurs, si Dieu vous gard, En cette terre avez-vous point connu Une, pour qui je suis ici venu ? La fleur des fleurs, la chaste colombelle, Fille de paix, du monde la plus belle, Qui Ferme Amour s'appelle ? Hélas, seigneurs, Si la savez, soyez-m'en enseigneurs. » Lors l'un se tait, qui me fantasia. L'autre me dit : « Mille ans, ou plus, y a, Que d'amour ferme en ce lieu ne souvint. » L'autre me dit : « Jamais ici ne vint. » Dont tout soudain me pris à dépiter : Car je pensais que le haut Jupiter L'eût de la terre en son trône ravie. Ce néanmoins, ma pensée assouvie De ce ne fut. Toujours me préparai De poursuivir. Et si délibérai, Pour rencontrer celle dame pudique, De m'en aller au temple cupidique En m'ébattant : car j'eus en espérance Que là-dedans faisait se demeurance. Ainsi je pars : pour aller me prépare Par un matin, lorsqu'Aurora sépare D'avec le jour la ténébreuse nuit, Qui aux dévots pèlerins toujours nuit. Le droit chemin assez bien je trouvois : Car çà et là, pour adresser la voie l Du lieu dévot, les passants pèlerins Allaient semant roses et romarins, Faisant de fleurs mainte belle montjoie, Qui me donna aucun espoir de joie. Et d'autre part rencontrai, sur les rangs Du grand chemin, maints pèlerins errants En soupirant, disant leur aventure Touchant le fruit d'amoureuse pâture : Ce qui garda de tant me soucier, Car de leur gré vinrent m'associer Jusques à tant que d'entrer je fus prêt Dedans ce temple, où le Dieu d'amour est Feint à plusieurs, et aux autres loyal. Or est ainsi, que son temple royal Suscita lors mes ennuyés esprits. Car environ de ce divin pourpris Y soupirait le doux vent Zéphyrus, Et y chantait le gaillard Tityrus ". Le grand dieu Pan avec ses pastoureaux Gardant brebis, bccufs, vaches et taureaux, Faisait sonner chalumeaux, cornemuses Et flageolets pour éveiller les Muses, Nymphes des bois et déesses hautaines, Suivant jardins, bois, fleuves et fontaines. Les oiselets par grand joie et déduit De leurs gosiers répondent à tel bruit. Tous arbres sont en ce lieu verdoyants ; Petits ruisseaux y furent ondoyants, Toujours faisant autour des prés herbus Un doux murmure . Et quand le clair Phébus Avait droit là ses beaux rayons épars, Telle splendeur rendait de toutes parts Ce lieu divin, qu'aux humains bien semblait Que terre au ciel de beauté ressemblait : Si que le cour me dit par prévidence Celui manoir être la résidence De Ferme Amour, que je quérais alors. Parquoi voyant de ce lieu le dehors Etre si beau, espoir m'admonesta De poursuivir, et mon corps transporta (Pour rencontrer ce que mon cour poursuit) Près de ce lieu bâti comme s'ensuit : |
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Clément Marot (1496 - 1544) |
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Portrait de Clément Marot | |||||||||
BiographieClément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo ChronologieÉvénements historiquesOrientation bibliographique |
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