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Clément Marot |
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Jà n'est besoin (Roi qui n'as ton pareil) Me soucier, ne demander conseil A qui je dois dédier cet ouvrage ; Car (outre cncor qu'en toi gît mon courage) Tant est cet ouvre et royal et chrétien Que de soi-même il se dit être tien, Qui as par droit de très chrétien le nom, Et qui es Roi non de moindre renom Que cestui-là qui, mû du saint esprit, A le dicter et le chanter se prit '. Certainement la grande conférence De ta hauteur avec sa préférence Me montre au doigt qu'à toi le dédier C'est à son point la chose approprier ; Car il fut Roi de prudence vêtu, Et tu es Roi tout aorné de vertu ; Dieu le nomma aux peuples hébraïques, Dieu te devait (ce pensc-je) aux Galliques ; Il était Roi des siens fort honoré, Tu es des tiens (peu s'en faut) adoré. Fort bien porta ses fortunes adverses, Fort constamment les tiennes tu renverses ; Savoir voulut toutes sciences bonnes, Et qui est celle à quoi tu ne t'adonnes? En Dieu remit et soi et son affaire, Tu as très bien le semblable su faire ; Il eut enfin la paix par lui requise, Tant quise l'as qu'à la fin l'as acquise. Que dirai plus ? vous êtes les deux rois Qui au milieu des martiaux détroits Avez acquis nom d'immortalité, Et qui durant paix et tranquillité L'avez acquis par sciences infuses, Daignant tous deux tant honorer les Muses Que d'employer la même forte dextre, Sceptre portant et aux armes adextre, A faire écrits qui si grande force ont Qu'en rien sujet à la mort ils ne sont. O doneques, roi, prends l'ouvre de David, Ouvre plutôt de Dieu qui le ravit, D'autant que Dieu son Apollo était Qui lui en train et sa harpe mettait ; Le saint esprit était sa Calliope. Son Parnassus, montagne à double crope, Fut le sommet du haut ciel cristallin ; Finablement son ruisseau caballin De grâce fut la fontaine profonde, Où à grands traits il but de la claire onde Dont il devint Poète en un moment, Le plus profond dessous le firmament ; Car le sujet qui la plume en la main Prendre lui fit est bien autre qu'humain. Ici n'est pas l'aventure de Acnée Ne d'Achille la vie démenée ; Fables n'y sont plaisantes mensongères, Ne des mondains les amours trop légères ; Ce n'est pas ci le poète écrivant Au gré du corps à l'esprit étrivant. Ses vers divins, ses chansons mesurées Plaisent (sans plus) aux âmes bien heurées, Pourcc que là ils trouvent leur amant Plus ferme et clair que nul vrai diamant, Et que ses faits, sa bonté et son prix Y sont au long récités et compris. Ici, sont donc les louanges écrites Du roi des rois, du Dieu des exercites Ici David, le grand prophète hébrieu, Nous chante et dit quel est ce puissant Dieu Qui de berger en grand roi l'érigea Et sa houlette en sceptre lui changea. Vous y orrez de Dieu la pure loi Plus clair sonner qu'argent de fin aloi, Et y verrez quels maux et biens adviennent A tous ceux-là qui la rompent et tiennent. ? Ici sa voix sus les réprouvés tonne Et aux élus toute assurance donne, Etant aux uns aussi doux et traitable Qu'aux autres est terrible et redoutable. Ici oit-on l'esprit de Dieu qui crie Dedans David, alors que David prie Et fait de lui ne plus ne moins que fait De sa musette un bon joueur parfait. Christ y verrez par David figuré, Et ce qu'il a pour nos maux enduré, Voire mieux peint mille ans ains sa venue Qu'après la chose écrite et advenue Ne le peindraient (qui est cas bien étrange) Le tien Janet ne le grand Miquel l'ange. Qui bien y lit, à connaître il apprend Soi et Celui qui tout voit et comprend, Et y orra sur la harpe chanter Que d'être rien, rien ne se peut vanter, Et qu'il est tout en ses faits (quant au reste). Fort admirable ici se manifeste, Soit par l'effet des grands signes montrés Aux siens par Pharaon outrés, Soit par le grand et merveilleux chef-d'ouvre Du ciel voûté qui toutes choses ouvre, Ou par le cours que fait l'obscure nuit Et le clair jour qui par compas la suit, Soit par la terre en l'air épars pendue Ou par la mer autour d'elle épandue, Ou par le tout qui aux deux prend naissance, Sur quoi il veut qu'ayons toute puissance, Nous apprenant à le glorifier, Et de quel cour nous faut en lui fier. O gentils cours et âmes amoureuses (S'il en fut oncq) quand serez langoureuses D'infirmité, prison, péché, souci, Perte ou opprobre, arrêtez-vous ici. Espèce n'est de tribulation Qui n'ait ici sa consolation. C'est un jardin plein d'herbes et racines Où de tous maux se trouvent médecines. Quant est de l'art aux Muses réservé, Homère grec ne l'a mieux observé ; Descriptions y sont propres et belles, D'affections il n'en est point de telles. Et trouveras (sire) que sa couronne, Ne celle-là qui ton chef environne, N'est mieux ne plus de gemmes entournée Que son ouvre est de figures aornéc. Tu trouveras le sens en être tel Qu'il rend là-haut son David immortel, Et immortel çà-bas son livre pource Que l'Eternel en est première source ; Et voulentiers toutes choses retiennent Le naturel du lieu dont elles viennent. Pas ne faut donc qu'auprès de lui Horace Se mette en jeu s'il ne veut perdre grâce ; Car par sus lui vole notre Poète Comme ferait l'aigle sus l'alouette, Soit à écrire en beaux lyriques vers, Soit à toucher la lyre en sons divers. N'a-t-il souvent au doux son de sa lyre Bien apaisé de Dieu courroucé l'ire ? N'en a-t-il pas souvent de ces bas lieux Les écoutants ravi jusques aux cieux ? Et fait cesser de Saùl la manie Pendant le temps que durait l'harmonie ? Si Orpheus jadis l'eût entendue, La sienne il eût à quelque arbre pendue. Si Arion l'eût ouï résonner, Plus de la sienne il n'eût voulu sonner; Et si Phoebus un coup l'eût écoutée, La sienne il eût en cent pièces boutée, Au moins laissé le sonner pour l'ouïr, Afin d'apprendre et de se réjouir, En lui quittant son laurier de bon cour, Comme en écrits et en armes vainqueur. Or sont en l'air perdus les plaisants sons De cette lyre et non pas ses chansons. Dieu a voulu (jusque ici) qu'en son temple Par ces beaux vers on le serve et contemple. Bien est-il vrai (comme encore se voit) Que la rigueur du long temps les avoit Rendus obscurs et durs d'intelligence. Mais tout ainsi qu'avecques diligence Sont éclaircis par bons esprits rusés Les écriteaux des vieux fragments usés, Ainsi (ô roi) par les divins esprits Qui ont sous toi hébricu langage appris s Nous sont jetés les Psaumes en lumière Clairs et au sens de la forme première, Dont, après eux, si peu que faire sais, T'en ai traduit par manière d'essai Trente sans plus en ton noble langage, Te suppliant les recevoir pour gage Du résidu qui jà t'est consacré Si les voir tous il te venait à gré. |
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Clément Marot (1496 - 1544) |
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Portrait de Clément Marot | |||||||||
BiographieClément Marot naquit à Cahors en 1496. Son père, grand poète rhétoriqueur, avait été le protégé d'Anne de Bretagne , femme de Louis XII. Page dès 1515, il se mêle à la joyeuse confrérie des Clercs de la Basoche, compose en 1515 le poème allégorique le Temple de Cupido et devient valet de chambre et secrétaire de Marguerite, duchesse d'Alençon, sour du roi. Il rencontre chez elle des penseurs réfo ChronologieÉvénements historiquesOrientation bibliographique |
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