Henri Michaux |
Les idées, comme des boucs étaient dressées les unes contre les autres. La haine prenait une allure sanitaire. La vieillesse faisait rire et l'enfant fut poussé à mordre. Le monde était tout drapeau. Il y avait eu autrefois des hommes prenant leur temps, brûlant paisiblement des bûches de bois dans de vieilles cheminées, lisant des romans délicieux où ce sont les autres qui souffrent. Ces temps n'étaient plus. Les fauteuils, en ce siècle, brûlèrent et le contentement barbelé des riches de ce monde ne se défendait plus. Il fit froid pour tous cette année. Ce fut le premier hiver total. L'espoir sourdait vaille que vaille. Mais l'événement s'en foutant, comme une brute qui arrache pansement et chair et drain à la fois, il fallait recommencer à souffrir sans espoir. De distance en distance apparaissait une lueur, mais la vague de fond qui emporterait le tout ne se levait toujours pas. Des peuples, les uns gagnaient, les autres crevaient, mais tous restaient emmêlés dans une misère qui faisait le tour de la Terre. La race de la Sagesse ne fut pas épargnée. Prise au dépourvu, elle lutta année après année, sa patience millénaire soumise à un test extra-sévère. Le peuple prédestiné, lui aussi, et le premier, pâtit. On lui enleva jusqu'à sa chemise. L'on se rit de lui, et se retournant, on l'accusait de l'origine des malheurs. Au peuple des Temples parfaits, il lui fut pris jusqu'à ses olives. Les têtes étaient farcies de foutaises. Comme la mer ne se fatigue pas de heurter le rivage d'inutiles vagues, ainsi cette grande lutte poussait toujours en avant de nouveaux rangs. Avances trépidantes qui n'avançaient à rien, retraites éberluées qui finissaient devant le vide. Jamais on ne vit autant de coups d'épée dans l'eau. Les rênes de l'humanité flottaient au hasard, mais pourtant, mais partout, sous des visages divers, le Père, le chef, lorsque sa vie autoritaire, comme une rame, s'enfonce dans sa famille qui se tait. |
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Henri Michaux (1899 - 1984) |
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Portrait de Henri Michaux | |||||||||
BibliographieEn 1922, lors de son séjour à l'hôpital consécutif à ces problèmes cardiaques, il découvre Lautréamont, dont l'oeuvre lui donne la liberté et l'étincelle créative pour écrire ses propres poèmes. « Cas de folie circulaire », fut son premier poème publié en 1922 dans la revue littéraire Le Disque Vert, dirigée par Franz Hellens. Celui-ci, fervent amateur de Michaux, ira jusqu'à le nommer co-directeu Ouvres d'henri michauxHenri Michaux (Namur, 24 mai 1899 - Paris, 19 octobre 1984) est un écrivain, poète et peintre d'origine belge d'expression française naturalisé français en 1955. Son ouvre est souvent rattachée au courant surréaliste, même s'il n'a pas fait partie du mouvement. BiographieNé le 24 mai 1899 à Namur, Henri Michaux arrive en 1924 à Paris où il côtoie les peintres surréalistes et se lie d'amitié avec Jules Supervielle et le peintre Zao Wou KI. Après avoir longuement voyagé de 1927 à 1937 en Asie et en Amérique du Sud, il se retire dans le Midi durant la guerre. Il est mort à Paris le 19 octobre 1984. Si la mescaline est en grande partie à l'origine de son ouvre pictura |
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