Jules Laforgue |
Des nuits, ô Lune d'Immaculée-Conception Moi, vermine des nébuleuse d'occasion. J'aime, du frais des toits de notre Babylone, Concevoir ton climat et ta flore et ta faune. Ne sachant qu'inventer pour t'offrir mes ennuis, 0 Radeau du Nihil aux quais seuls de nos nuits ! Ton atmosphère est fixe, et tu rêves, figée En climats de silence, écho de l'hypogée D'un ciel atone où nul nuage ne s'endort Par des vents chuchotant tout au plus qu'on est mort ? Des montagnes de nacre et des golfes d'ivoire Se renvoient leurs parois de mystiques ciboires. En anses où, sur maint pilotis, d'un air lent Des Sirènes dont leurs nattes, lèchent leurs flancs. Blêmes d'avoir gorgé de lunaires luxures Là-bas, ces gais dauphins aux geysers de mercure. Oui, c'est l'automne incantatoire et permanent Sans thermomètre, embaumant mers et continents, Étangs aveugles, lacs ophtalmiques, fontaines De Léthé, cendres d'air, désets de porcelaine. Oasis, solfatares, cratères, éteints. Arctiques sierras, cataractes l'air en zinc, Hauts-plateaux crayeux, carrières abandonnées, Nécropoles moins vieilles que leurs graminées, Et des dolmens par caravanes, - et tout très Ravi d'avoir fait son temps, de rêver au frais. Salut, lointains crapauds ridés, en sentinelles Sur les pics, claquant des dents à ces tourterelles Jeunes qu'intriguent vos airs ! Salut, cétacés Lumineux ! et vous, beaux comme des cuirassés, Cygnes d'antan, nobles témoins des cataclysmes ; Et vous, paons blancs cabrés en aurores de prismes ; Et vous. Fotus voûtés, glabres contemporains Des Sphinx brouteurs d'ennuis aux moustaches d'airain Qui, dans le clapotis des grottes basaltiques. Ruminez l'Enfui ! comme une immortelle chique ! Oui ! rennes aux andouillers de cristal ; ours blancs Graves comme des Mages, vous déambulant. Les bras en croix vers les miels du divin silence ! Porcs-épics fourbissant sans but vos blêmes lances ; Oui, papillons aux reins pavoises de joyaux Ouvrant vos ailes à deux battants d'in-folios ; Oui, gélatines d'hippopotames en pâles Flottaisons de troupeaux éclaireurs d'encéphales ; Pythons en intestins de cerveaux morts d'abstrait. Bancs d'éléphas moisis qu'un souffle effriterait ! Et vous, fleurs fixes ! mandragores à visages, Cactus obéliscals aux fruits en sarcophages. Forêts de cierges massifs, parcs de polypiers, Palmiers de corail blanc aux résines d'acier ! Lys marmoréens à sourires hystériques, Qui vous mettez à débiter d'albes musiques Tous les cent ans, quand vous allez avoir du lait ! Champignons aménagés comme des palais ! O Fixe ! on ne sait plus à qui donner la palme Du lunaire ; et surtout qu'elle leçon de calme ! Tout a l'air émané d'un même acte de foi Au Néant Quotidien sans comment ni pourquoi ! Et rien ne fait de l'ombre, et ne se désagrège ; Ne naît, ni ne mûrit ; tout vit d'un Sortilège Sans foyer qui n'induit guère à se mettre en frais Que pour des amours blancs, lunaires et distraits... Non, l'on finirait par en avoir mal de tête, Avec le rire idiot des marbres Egynètcs Pour jamais tant tout ça stagne en un miroir mort ! Et l'on oublierait vite comment on en sort. Et pourtant, ah ! c'est là qu'on en revient encore Et toujours, quand on a compris le Madrépore. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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