Jules Laforgue |
Au clair de la lune, Mon ami Pierrot, Filons, en costume, Présider là-haut ! Ma cervelle est morte. Que le Christ l'emporte ! Béons à la Lune, La bouche en zéro. Inconscient, descendez en nous par réflexes : Brouillez les cartes, les dictionnaires, les sexes. Tournons d'abord sur nous-même, comme un fakir ! (Agiter le pauvre être, avant de s'en servir.) J'ai le cour chaste et vrai comme une bonne lampe ; Oui, je suis en taille-douce, comme une estampe. Vénus, énorme comme le Régent, Déjà, se pâme à l'horizon des grèves ; Et c'est l'heure, ô gens nés casés, bonnes gens, De s'étourdir en longs trilles de rêves ! Corybanthe, aux quatre vents tous les draps ! Disloque tes pudeurs, à bas les lignes ! En costume blanc, je ferai le cygne. Après nous le Déluge, ô ma Léda ! Jusqu'à ce que tournent tes yeux vitreux, Que tu grelottes en rires affreux. Hop ! enlevons sur les horizons fades Les menuets de nos pantalonnades ! Tiens ! l'Univers Est à l'envers... - Tout cela vous honore, Lors Pierrot, mais encore ? - Ah ! qu'une, d'elle-même, un beau soir sût venir. Ne voyant que boire à mes lèvres, ou mourir ! Je serais, savez-vous, la plus noble conquête Que femme, au plus ravi du Rêve, eût jamais faite ! D'ici-là, qu'il me soit permis De vivre de vieux compromis. Où commence, où finit l'humaine Ou la divine dignité ? Jonglons avec les entités, Pierrot s'agite et Tout le mène ! Laissez faire, laissez passer ; Laissez passer, et laisser faire ; Le semblable, c'est le contraire. Et l'univers, c'est pas assez ! Et je me sens, ayant pour cible Adopté la vie impossible, De moins en moins localisé ! - Tout cela vous honore, Lord Pierrot, mais encore ? - Il faisait, ah ! si chaud, si sec. Voici qu'il pleut, qu'il pleut, bergères ! Les pauvres Vénus bocagères Ont la roupie à leur nez grec ! - Oh ! de moins en moins drôle ; Pierrot sait mal son rôle ? - J'ai le cour triste comme un lampion forain.. Bah ! j'irai passer la nuit dans le premier train ; Sûr d'aller, ma vie entière, Malheureux comme les pierres. (Bis.) |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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