Jules Laforgue |
Jupiter eut jadis une ferme à donner. Mercure en fit l'annonce, et gens se présentèrent, Firent des offres, écoutèrent : Ce ne fut pas sans bien tourner; L'un alléguoit que l'héritage Etoit frayant et rude, et l'autre un autre si. Pendant qu'ils marchandoient ainsi, Un d'eux, le plus hardi, mais non pas le plus sage. Promit d'en rendre tant, pourvu que Jupiter Le laissât disposer de l'air, Lui donnât saison à sa guise, Qu'il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise. Enfin du sec et du mouillé. Aussitôt qu'il auroit bâillé. Jupiter y consent. Contrat passé; notre homme Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme Un climat pour lui seul : ses plus proches voisins Ne s'en sentoient non plus que les Américains. Ce fut leur avantage : ils eurent bonne année. Pleine moisson, pleine vinée. Monsieur le Receveur lut très-mal partagé. L'an suivant, voilà tout changé : Il ajuste d'une autre sorte La température des cieux. Son champ ne s'en trouve pas mieux; Celui de ses voisins fructifie et rapporte. Que fait-il? Il recourt au monarque des Dieux, Il confesse son imprudence. Jupiter en usa comme un maître fort doux. Concluons que la Providence Sait ce qu'il nous faut mieux que nous. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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