Jules Laforgue |
Une Chauve-Souris donna tête baissée Dans un nid de Belette; et sitôt qu'elle y fut, L'autre, envers les souris de longtemps courroucée, Pour la dévorer accourut. « Quoi? vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire Après que votre race a tâche de me nuire! N'êtes-vous pas souris? Parlez sans fiction. Oui, vous l'êtes, ou bien je ne suis pas belette. - Pardonnez-moi, dit la pauvrette. Ce n'est pas ma profession. Moi souris! Des méchants vous ont dit ces nouvelles. Grâce à l'auteur de l'univers. Je suis oiseau; voyez mes ailes : Vive la gent qui fend les airs! » Sa raison plut, et sembla bonne. Elle fait si bien qu'on lui donne Liberté de se retirer. Deux jours après, notre étourdie Aveuglément se va fourrer Chez une autre Belette, aux oiseaux ennemie. La voilà derechef en danger de sa vie. La dame du logis avec son long museau S'en alloit la croquer en qualité d'oiseau. Quand elle protesta qu'on lui faisoit outrage : « Moi, pour telle passer! Vous n'y regardez pas. Qui fait l'oiseau? c'est le plumage. Je suis souris : vivent les rats! Jupiter confonde les chats! » Par cette adroite repartie Elle sauva deux fois sa vie. Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeants, Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue. Le sage dit, selon les gens : « Vive le Roi! vive la ligue! » |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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