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Jules Laforgue



La fille - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Certaine
Fille, un peu trop fière,

Prétendoit trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d'agréable manière,
Point froid et point jaloux : notez ces deux points-ci.

Cette
Fille vouloit aussi

Qu'il eût du bien, de la naissance,
De l'esprit, enfin tout.
Mais qui peut toui avoir?
Le
Destin se montra soigneux de la pourvoir :

Il vint des partis d'importance.
La belle les trouva trop chétifs de moitié : «
Quoi? moi! quoi? ces gens-là! l'on radote, je pense.
A moi les proposer! hélas! ils font pitié :

Voyez un peu la belle espèce! »
L'un n'avoit en l'esprit nulle délicatesse;
L'autre avoit le nez fait de cette façon-là :

C'étoit ceci, c'étoit cela;

C'étoit tout, car les précieuses

Font dessus tout les dédaigneuses.
Après les bons partis, les médiocres gens

Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. «
Ah ! vraiment je suis bonne
De leur ouvrir la porte!
Ils pensent que je suis

Fort en peine de ma personne :

Grâce à
Dieu, je passe les nuits

Sans chagrin, quoique en solitude. »



La belle se sut gré de tous ces sentiments;

L'âge la fit déchoir : adieu tous les amants.

Un an se passe, et deux, avec inquiétude;

Le chagrin vient ensuite; elle sent chaque jour

Déloger quelques
Ris, quelques
Jeux, puis l'Amour;

Puis ses traits choquer et déplaire;-Puis cent sortes de fards.
Ses soins ne purent faire
Qu'elle échappât au temps, cet insigne larron.

Les ruines d'une maison
Se peuvent réparer : que n'est cet avantage

Pour les ruines du visage?
Sa préciosité changea lors de langage.
Son miroir lui disoit : «
Prenez vite un mari. »
Je ne sais quel désir le lui disoit aussi :
Le désir peut loger chez une précieuse.
Celle-ci fit un choix qu'on n'auroit jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse

De rencontrer un malotru.

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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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