Jules Laforgue |
La Discorde a toujours régné dans l'univers; Notre monde en fournit mille exemples divers : Chez nous cette déesse a plus d'un tributaire. Commençons par les Éléments : Vous serez étonnés de voir qu'à tous moments Ils seront appointés contraire. Outre ces quatre potentats. Combien d'êtres de tous états Se font une guerre éternelle! Autrefois un logis plein de Chiens et de Chats, Par cent arrêts rendus en forme solennelle, Vit terminer tous leurs débats. Le maître ayant réglé leurs emplois, leurs repas, Et menacé du fouet quiconque auroit querelle, Ces animaux vivoient entre eux comme cousins Cette union si douce, et presque fraternelle, Édifioit tous les voisins. Enfin elle cessa. Quelque plat de potage, Quelque os, par préférence, à quelqu'un d'eux donné. Fit que l'autre parti s'en vint tout forcené Représenter un tel outrage. J'ai vu des chroniqueurs attribuer le cas Aux passe-droits qu'avoit une Chienne en gésine. Quoi qu'il en soit, cet altercas Mit en combustion la salle et la cuisine : Chacun se déclara pour son Chat, pour son Chien. On fit un règlement dont les Chats se plaignirent, Et tout le quartier étourdirent. Leur avocat disoit qu'il falloit bel et bien Recourir aux arrêts. En vain ils les cherchèrent. Dans un coin où d'abord leurs agents les cachèrent. Les Souris enfin les mangèrent. Autre procès nouveau. Le peuple souriquois En pâtit : maint vieux Chat, fin, subtil, et narquois. Et d'ailleurs en voulant à toute cette race, Les guetta, les prit, fit main basse. Le maître du logis ne s'en trouva que mieux. J'en reviens à mon dire. On ne voit sous les deux Nul animal, nul être, aucune créature. Qui n'ait son opposé : c'est la loi de nature. D'en chercher la raison, ce sont soins superflus. Dieu fit bien ce qu'il fit, et je n'en sais pas plus. Ce que je sais, c'est qu'aux grosses paroles On en vient sur un rien, plus des trois quarts du temps. Humains, il vous faudroit encore à soixante ans Renvoyer chez les barbacoles. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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