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Jules Laforgue



L'aigle et le hibou - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





L'Aigle et le
Chat-huant leurs querelles cessèrent,

Et firent tant qu'ils s'embrassèrent.
L'un jura foi de roi, l'autre foi de hibou,
Qu'ils ne se goberoient leurs petits peu ni prou. «
Connoissez-vous les miens? dit l'oiseau de
Minerve.

-
Non, dit l'Aigle. -
Tant pis, reprit le triste
Oiseau :

Je crains en ce cas pour leur peau :

C'est hasard si je les conserve.
Comme vous êtes roi, vous ne considérez
Qui ni quoi : rois et dieux mettent, quoi qu'on leur die.

Tout en même catégorie.
Adieu mes nourrissons, si vous les rencontrez.

-
Peignez-les-moi, dit l'Aigle, ou bien me les montrez;

Je n'y toucherai de ma vie. »
Le
Hibou repartit : «
Mes petits sont mignons,
Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons :



Vous les reconnoîtrez sans peine à cette marque.
N'allez pas l'oublier; retenez-la si bien
Que chez moi la maudite
Parque
N'entre point par votre moyen. »
Il avint qu'au
Hibou
Dieu donna géniture :
De façon qu'un beau soir qu'il étoit en pâture.
Notre
Aigle aperçut d'aventure,
Dans les coins d'une roche dure.
Ou dans les trous d'une masure (Je ne sais pas lequel des deux).
De petits monstres fort hideux,
Rechignes, un air triste, une voix de
Mégère.' «
Ces enfants ne sont pas, dit l'Aigle, à notre ami.
Croquons-les. »
Le galand n'en fit pas à demi :
Ses repas ne sont point repas à la légère.
Le
Hibou, de retour, ne trouve que les pieds
De ses chers nourrissons, hélas! pour toute chose.
Il se plaint; et les
Dieux sont par lui suppliés
De punir le brigand qui de son deuil est cause.
Quelqu'un lui dit alors : «
N'en accuse que toi,
Ou plutôt la commune loi
Qui veut qu'on trouve son semblable
Beau, bien fait, et sur tous aimable.
Tu fis de tes enfants à l'Aigle ce portrait :
En avoient-ils le moindre trait? »

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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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