Jules Laforgue |
Un Anier, son sceptre à la main, Menoit, en empereur romain. Deux coursiers à longues oreilles. L'un, d'épongés chargé, marchoit comme un courrier; Et l'autre, se faisant prier, Portoit, comme on dit, les bouteilles : Sa charge étoit de sel. Nos gaillards pèlerins. Par monts, par vaux, et par chemins, Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent, Et fort empêchés se trouvèrent. L'Anier, qui tous les jours traversoit ce gué-là, Sur l'Ane à l'éponge monta. Chassant devant lui l'autre bête. Qui voulant en faire à sa tête, Dans un trou se précipita, Revint sur l'eau, puis échappa; Car au bout de quelques nagées, Tout son sel se fondit si bien Que le Baudet ne sentit rien Sur ses épaules soulagées. Camarade épongier prit exemple sur lui. Comme un mouton qui va dessus la foi d'autrui. Voilà mon Ane à l'eau; jusqu'au col il se plonge, Lui, le conducteur et l'éponge. Tous trois burent d'autant : l'Anier et le Grison Firent à l'éponge raison. Celle-ci devint si pesante, Et de tant d'eau s'emplit d'abord, Que l'Ane succombant ne put gagner le bord. L'Anier Pembrassoit, dans l'attente D'une prompte et certaine mort. Quelqu'un vint au secours : qui ce fut, il n'importe; C'est assez qu'on ait vu par là qu'il ne faut point Agir chacun de même sorte. J'en voulois venir à ce point. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jules Laforgue (1860 - 1887) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
|||||||||