Jules Laforgue |
Un Astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit : « Pauvre bête, Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir, Penses-tu lire au-dessus de ta tête? » Cette aventure en soi, sans aller plus avant, Peut servir de leçon à la plupart des hommes. Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes. Il en est peu qui fort souvent Ne se plaisent d'entendre dire Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire. Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté, Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'antiquité, Et parmi nous la Providence? Or du Hasard il n'est point de science : S'il en étoit, on auroit tort De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort. Toutes choses très-incertaines. Quant aux volontés souveraines De Celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein. Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein? Auroit-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles? A quelle utilité? Pour exercer l'esprit De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit? Pour nous faire éviter des maux inévitables? Nous rendre, dans les biens, de plaisir incapables? Et causant du dégoût pour ces biens prévenus, Les convertir en maux devant qu'ils soient venus? C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire. Le firmament se meut, les astres font leur cours, Le soleil nous luit tous les jours. Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire, Sans que nous en puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d'éclairer, D'amener les saisons, de mûrir les semences. De verser sur les corps certaines influences. Du reste, en quoi répond au sort toujours divers Ce train toujours égal dont marche l'Univers? Charlatans, faiseurs d'horoscope, Quittez les cours des princes de l'Europe; Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps : Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens. Je m'emporte un peu trop : revenons à l'histoire De ce spéculateur qui fut contraint de boire. Outre la vanité de son art mensonger, C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères. Cependant qu'ils sont en danger. Soit pour eux, soit pour leurs affaires. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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