Jules Laforgue |
Entre,deux Bourgeois d'une ville S'émut jadis un différend : L'un étoit pauvre, mais habile; L'autre riche, mais ignorant. Celui-ci sur son concurrent Vouloit emporter l'avantage, Prétendoit que tout homme sage Étoit tenu de l'honorer. C'étoit un homme sot; car pourquoi révérer Des biens dépourvus de mérite? La raison m'en semble petite. « Mon ami, disoit-il souvent Au savant. Vous vous croyez considérable; Mais, dites-moi, tenez-vous table? Que sert à vos pareils de lire incessamment? Ils sont toujours logés à la troisième chambre, Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre, Ayant pour tout laquais leur ombre seulement. La République a bien affaire De gens qui ne dépensent rien! Je ne sais d'homme nécessaire Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien. Nous en usons. Dieu sait! notre plaisir occupe L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe. Et celle qui la porte, et vous, qui dédiez A Messieurs les gens de finance De méchants livres bien payés. » Ces mots remplis d'impertinence Eurent le sort qu'ils méritoient. L'homme lettré se tut, il avoit trop à dire. La guerre le vengea bien mieux qu'une satire. Mars détruisit le lieu que nos gens habitoient : L'un et l'autre quitta sa ville. L'ignorant resta sans asile : Il reçut partout des mépris; L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle : Cela décida leur querelle. Laisse/ dire les sots : le savoir a son prix. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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