Jules Laforgue |
Du rapport d'un troupeau, dont il vivoit sans soins, Se contenta longtemps un voisin d'Amphitrite : Si sa fortune étoit petite, Elle étoit sûre tout au moins. A la fin, les trésors déchargés sur la plage Le tentèrent si bien qu'il vendit son troupeau. Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau. Cet argent périt par naufrage. Son maître fut réduit à garder les brebis, Non plus berger en chef comme il étoit jadis. Quand ses propres moutons paissoient sur le rivage Celui qui s'étoit vu Coridon ou Tircis Fut Pierrot, et rien davantage. Au bout de quelque temps il fit quelques profits, Racheta des bêtes à laine; Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, Laissoient paisiblement aborder les vaisseaux : « Vous voulez de l'argent, ô Mesdames les Eaux, Dit-il; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre : Ma foi! vous n'aurez pas le nôtre. » Ceci n'est pas un conte à plaisir inventé. Je me sers de la vérité Pour montrer, par expérience, Qu'un sou, quand il est assuré. Vaut mieux que cinq en espérance; Qu'il se faut contenter de sa condition; Qu'aux conseils de la mer et de l'ambition Nous devons fermer les oreilles. Pour un qui s'en louera, dix mille s'en plaindront. La mer promet monts et merveilles : Fiez-vous-y; les vents et les voleurs viendront. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jules Laforgue (1860 - 1887) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
|||||||||