Jules Laforgue |
Le monde n'a jamais manqué de charlatans : Cette science, de tout temps, Fut en professeurs très-fertile. Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron, Et l'autre affiche par la ville Qu'il est un passe-Cicéron. Un des dcrnieYs se vantoit d'être En éloquence si grand maître, Qu'il rendroit disert un badaud. Un manant, un rustre, un lourdaud; « Oui, Messieurs, un lourdaud, un animal, un âne : Que l'on m'amène un âne, un âne renforcé. Je le rendrai maître passé. Et veux qu'il porte la soutane. » Le Prince sut la chose; il manda le Rhéteur. « J'ai, dit-il, en mon écurie Un fort beau roussin d'Arcadie; J'en voudrois faire un orateur. - Sire, vous pouvez tout, » reprit d'abord notre homme. On lui donna certaine somme : Il devoit au bout de dix ans Mettre son âne sur les bancs; Sinon, il consentoit d'être, en place publique. Guindé la hart au col, étranglé court et net, Ayant au dos sa rhétorique. Et les oreilles d'un baudet. Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence Il vouloit l'aller voir, et que, pour un pendu, Il auroit bonne grâce et beaucoup de prestance; Surtout qu'il se souvînt de faire à l'assistance Un discours où son art fût au long étendu. Un discours pathétique, et dont le formulaire Servît à certains Cicérons Vulgairement nommés larrons. L'autre reprit : « Avant l'affaire. Le Roi, l'Ane, ou moi, nous mourrons. » Il avoit raison. C'est folie De compter sur dix ans de vie. Soyons bien buvants, bien mangeants : Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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