Jules Laforgue |
Du palais d'un jeune Lapin Dame Belette, un beau matin, S'empara : c'est une rusée. Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée. Elle porta chez lui ses pénates, un jour Qu'il étoit allé faire à l'Aurore sa cour Parmi le thym et la rosée. Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours, Janot Lapin retourne aux souterrains séjours. La Belette avoit mis le nez à la fenêtre. « O Dieux hospitaliers! que vois-je ici paroître? Dit l'animal chassé du paternel logis. O là, Madame la Belette, Que l'on déloge sans trompette. Ou je vais avertir tous les Rats du pays. » La dame au nez pointu répondit que la terre Étoit au premier occupant. « C'étoit un beau sujet de guerre, Qu'un logis où lui-même il n'entroit qu'en rampant Et quand ce seroit un royaume. Je voudrois bien savoir, dit-elle, quelle loi En a pour toujours fait l'octroi A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume, Plutôt qu'à Paul, plutôt qu'à moi. » Jean Lapin allégua la coutume et l'usage : « Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils. L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis. « Le premier occupant », est-ce une loi plus sage? - Or bien, sans crier davantage, Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. » C'étoit un Chat vivant comme un dévot ermite, Un Chat faisant la chattemite, Un saint homme de Chat, bien fourré, gros et gras, Arbitre expert sur tous les cas. Jean Lapin pour juge l'agrée. Les voilà tous deux arrivés Devant sa majesté fourrée. Grippeminaud leur dit : « Mes enfants, approchez, Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause. » L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose. Aussitôt qu'à portée il vit les contestants, Grippeminaud, le bon apôtre. Jetant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre. Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois Les petits souverains se rapportants aux rois. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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