Jules Laforgue |
Un certain Loup, dans la saison Que les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie, Et que les animaux quittent tous la maison Pour s'en aller chercher leur vie : Un Loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver, Aperçut un Cheval qu'on avoit mis au vert. Je laisse à penser quelle joie. « Bonne chasse, dit-il, qui l'auroit à son croc! Eh! que n'es-tu mouton! car tu me serois hoc, Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie. Rusons donc. » Ainsi dit, il vient à pas comptés; Se dit écolier d'Hippocrate; Qu'il connoît les venus et les propriétés De tous les simples de ces prés; Qu'il sait guérir, sans qu'il se flatte, Toutes sortes de maux. Si dom Coursier vouloit Ne point celer sa maladie, Lui Loup gratis le guériroit; Car le voir en cette prairie Paître ainsi, sans être lié, Témoignoit quelque mal, selon la médecine. « J'ai, dit la bête chevaline. Une apostume sous le pied. - Mon fils, dit le docteur, il n'est point de partie Susceptible de tant de maux. J'ai l'honneur de servir Nosseigneurs les Chevaux, Et fais aussi la chirurgie. » Mon galand ne songeoit qu'à bien prendre son temps, Afin de happer son malade. L'autre, qui s'en doutoit, lui lâche une ruade, Qui vous lui met en marmelade Les mandibules et les dents. « C'est bien fait, dit le Loup en soi-même fort triste; Chacun à son métier doit toujours s'attacher. Tu veux faire ici l'arboriste, Et ne fus jamais que boucher. » |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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