Jules Laforgue |
De tout temps les chevaux ne sont nés pour les hommes. Lorsque le genre humain de gland se contentoit. Ane, cheval, et mule, aux forêts habitoit; Et l'on ne voyoit point, comme au siècle où nous sommes, Tant de selles et tant de bâts. Tant de harnois pour les combats, Tant de chaises, tant de carrosses; Comme aussi ne voyoit-on pas Tant de festins et tant de noces. Or un Cheval eut alors différend Avec un Cerf plein de vitesse; Et ne pouvant l'attraper en courant. Il eut recours à l'Homme, implora son adresse. L'Homme lui mit un frein, lui sauta sur le dos. Ne lui donna point de repos Que le Cerf ne fût pris, et n'y laissât la vie, Et cela fait, le Cheval remercie L'Homme son bienfaiteur, disant : « Je suis à vous; Adieu : je m'en retourne en mon séjour sauvage. - Non pas cela, dit l'Homme; il fait meilleur chez nous. Je vois trop quel est votre usage. Demeurez donc; vous serez bien traité. Et jusqu'au ventre en la litière. » Hélas! que sert la bonne chère Quand on n'a pas la liberté? Le Cheval s'aperçut qu'il avoit fait folie; Mais il n'étoit plus temps; déjà son écurie Étoit prête et toute bâtie. Il y mourut en traînant son lien : Sage, s'il eût remis une légère offense. Quel que soit le plaisir que cause la vengeance, C'est 1 acheter trop cher que l'acheter d'un bien Sans qui les autres ne sont rien. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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