Jules Laforgue |
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé. Six forts chevaux tiroient un coche. Femmes, moine, vieillards, tout étoit descendu; L'attelage suoit, souffloit, étoit rendu. Une Mouche survient, et des chevaux s'approche. Prétend les animer par son bourdonnement. Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment Qu'elle fait aller la machine. S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Aussitôt que le char chemine. Et qu'elle voit les gens marcher. Elle s'en attribue uniquement la gloire. Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens et hâter la victoire. La Mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin: Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire. Le moine disoit son bréviaire : Il prenoit bien son temps! une femme chantoit : C'étoit bien de chansons qu'alors il s'agissoit! Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles, Ei lait cent sottises pareilles. Après bien du travail, le Coche arrive au haut : « Respirons maintenant! dit la Mouche aussitôt : J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine Çà, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine- » Ainsi certaines gens, faisant les empressés, S'introduisent dans les affaires : Ils font partout les nécessaires, Et, partout importuns, devroient être chassés. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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