Jules Laforgue |
La nation des Belettes, Non plus que celle des Chats, Ne veut aucun bien aux Rats; Et sans les portes étrètes De leurs habitations, L'animal à longue échine En feroit, je m'imagine, De grandes destructions. Or une certaine année Qu'il en étoit à foison, Leur roi, nommé Ratapon, Mit en campagne une armée. Les Belettes, de leur part. Déployèrent l'étendard. Si l'on croit la renommée, La victoire balança : Plus d'un guéret s'engraissa Du sang de plus d'une bande. Mais la perte la plus grande Tomba presque en tous endroits Sur le peuple souriquois. Sa déroute fut entière, Quoi que pût faire Artarpax, Psicarpax, Méridarpax, Qui, tout couverts de poussière, Soutinrent assez longtemps Les efforts des combattants. Leur résistance fut vaine; Il fallut céder au sort : Chacun s'enfuit au plus fort. Tant soldat que capitaine. Les princes périrent tous. La racaille, dans des trous Trouvant sa retraite prête, Se sauva sans grand travail; Mais les seigneurs sur leur tête Ayant chacun un plumail, Des cornes ou des aigrettes, Soit comme marques d'honneur, Soit afin que les Belettes En conçussent plus de peur. Cela causa leur malheur. Trou, ni fente, ni crevasse Ne fut large assez pour eux; Au lieu que la populace Entroit dans les moindres creux. La principale jonchée Fut donc des principaux Rats. Une tête empanachée N'est pas petit embarras. Le trop superbe équipage Peut souvent en un passage Causer du retardement. Les petits, en toute affaire. Esquivent fort aisément : Les grands ne le peuvent faire. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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