Jules Laforgue |
Un mort s'en alloit tristement S'emparer de son dernier gîte; Un Curé s'en alloit gaiement Enterrer ce mort au plus vite. Notre défunt étoit en carrosse porté, Bien et dûment empaqueté. Et vêtu d'une robe, hélas! qu'on nomme bière, Robe d'hiver, robe d'été. Que les morts ne dépouillent guère. Le Pasteur étoit à côté. Et récitoit, à l'ordinaire, Maintes dévotes oraisons, Et des psaumes et des leçons, El des versets et des répons : « Monsieur le Mort, laissez-nous faire, On vous en donnera de toutes les façons; Il ne s'agit que du salaire. » Messirc Jean Chouart couvoit des yeux son mort, Comme si l'on eût dû lui ravir ce trésor, Et des regards sembloit lui dire : « Monsieur le Mort, j'aurai de vous Tant en argent, et tant en cire, Et tant en autres menus coûts. » Il fondoit là-dcssus l'achat d'une feuillette Du meilleur vin des environs; Certaine nièce assez propette Et sa chambrière Pâquette Dévoient avoir des cotillons. Sur cette agréable pensée, Un heurt survient : adieu le char. Voilà Messire Jean Chouart Qui du choc de son mort a la tête cassée : Le paroissien eti plomb entraîne son pasteur; Notre Curé suit son seigneur; Tous deux s'en vont de compagnie. Proprement toute notre vie Est le curé Chouart, qui sur son mort comptoit, El la fable du Pot au lait. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jules Laforgue (1860 - 1887) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
|||||||||