Jules Laforgue |
Jamais auprès des fous ne te mets à portée : Je ne te puis donner un plus sage conseil. Il n'est enseignement pareil A celui-là de fuir une tête éventée. On en voit souvent dans les cours : Le prince y prend plaisir; car ils donnent toujours Quelque trait aux fripons, aux sots, aux ridicules. Un Fol alloit criant par tous les carrefours Qu'il vendoit la sagesse, et les mortels crédules De courir à l'achat; chacun fut diligent. On essuyoit force grimaces; Puis on avoit pour son argent. Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses. La plupart s'en fàchoient; mais que leur servoit-il? C'étoient les plus moqués : le mieux étoit de rire. Ou de s'en aller, sans rien dire. Avec son soufflet et son fil. De chercher du sens à la chose, On se fût fait siffler ainsi qu'un ignorant. La raison est-elle garant De ce que fait un fou? le hasard est la cause De tout ce qui se passe en un cerveau blessé. Du fil et du soufflet pourtant embarrassé. Un des dupes un jour alla trouver un sage, Qui, sans hésiter davantage, Lui dit : « Ce sont ici hiéroglyphes tout purs. Les gens bien conseillés, et qui voudront bien faire. Entre eux et les gens fous mettront, pour l'ordinaire, La longueur de ce fil; sinon je les tiens sûrs De quelque semblable caresse. Vous n'êtes point trompé : ce fou vend la sagesse. » |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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