Jules Laforgue |
Un Lion, décrépit, goutteux, n'en pouvant plus, Vouloit que l'on trouvât remède à la vieillesse. Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus. Celui-ci parmi chaque espèce Manda des médecins; il en est de tous arts. Médecins au Lion viennent de toutes parts; De tous côtés lui vient des donneurs-de recettes. Dans les visites qui sont faites, Le Renard se dispense et se tient clos et coi. Le Loup en fait sa cour, daube, au coucher du Roi, Son camarade absent. Le Prince tout à l'heure Veut qu'on aille enfumer Renard dans sa demeure, Qu'on le fasse venir. Il vient, est présenté; Et, sachant que le Loup lui faisoit cette affaire : « Je crains, Sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère Ne m'ait à mépris imputé D'avoir différé cet hommage; Mais j'étois en pèlerinage, Et m'acquittois d'un vou fait pour votre santé. Même j'ai vu dans mon voyage Gens experts et savants, leur ai dit la langueur Dont Votre Majesté craint, à bon droit, la suite. Vous ne manquez que de chaleur; Le long âge en vous l'a détruite. D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante; Le secret sans doute en est beau Pour la nature défaillante. Messire Loup vous servira, S'il vous plaît, de robe de chambre. » Le Roi goûte cet avis-là : On. écorche, on taille, on démembre Messire Loup. Le Monarque en soupa. Et de sa peau s'enveloppa. Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire; Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire. Le mal se rend chez vous au quadruple du bien. Les daubeurs ont leur tour d'une ou d'autre manière Vous êtes dans une carrière Où l'on ne se pardonne rien. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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