Jules Laforgue |
Un Loup, qui commençoit d'avoir petite part Aux brebis de son voisinage, Crut qu'il falloit s'aider de la peau du renard, Et faire un nouveau personnage. Il s'habille en berger, endosse un hoqueton. Fait sa houlette d'un bâton, Sans oublier la cornemuse. Pour pousser jusqu'au bout la ruse. Il auroit volontiers écrit sur son chapeau : « C'est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau. » Sa personne étant ainsi faite, Et ses pieds de devant posés sur sa houlette, Guillot le sycophante approche doucement. Guillot, le vrai Guillot, étendu sur l'herbette, Dormoit alors profondément; Son chien dormoit aussi, comme aussi sa musette : La plupart des brebis dormoient pareillement. L'hypocrite les laissa faire; Et pour pouvoir mener vers son fort les brebis, Il voulut ajouter la parole aux habits, Chose qu'il croyoit nécessaire. Mais cela gâta son affaire : Il ne put du pasteur contrefaire la voix. Le ton dont il parla fit retentir les bois, Et découvrit tout le mystère. Chacun se réveille à ce son, Les brebis, le chien, le garçon. Le pauvre Loup, dans cet esclandre. Empêché par son hoqueton, Ne put ni fuir ni se défendre. Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre. Quiconque est loup agisse en loup : C'est le plus certain de beaucoup. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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