Jules Laforgue |
La Bique, allant remplir sa traînante mamelle, Et paître l'herbe nouvelle. Ferma sa porte au loquet. Non sans dire à son Biquet : « Gardez-vous, sur votre vie, D'ouvrir que l'on ne vous die. Pour enseigne et mot du guet : « Foin du Loup et de sa race! » Comme elle disoit ces mots. Le Loup de fortune passe; Il les recueille à propos, Et les garde en sa mémoire. La Bique, comme on peut croire, N'avoit pas vu le glouton. Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton, Et d'une voix papelarde Il demande qu'on ouvre, en disant : « Foin du Loup! » Et croyant entrer tout d'un coup. Le Biquet soupçonneux par la fente regarde : « Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point », S'écria-t-il d'abord. Patte blanche est un point Chez les loups, comme on sait, rarement en usage. Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage. Comme il étoit venu s'en retourna chez soi. Où seroit le Biquet, s'il eût ajouté foi Au mot du guet que de fortune Notre Loup avoit entendu? Deux sûretés valent mieux qu'une. Et le trop en cela ne fut jamais perdu. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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