Jules Laforgue |
Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être; Le plus simple animal nous y tient lieu de maître. Une morale nue apporte de l'ennui : Le conte fait passer le précepte avec lui. En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire, Et conter pour conter me semble peu d'affaire. C'est par cette raison qu'égayant leur esprit, Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit. Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue : On ne voit point chez eux de parole perdue. Phèdre étoit si succinct qu'aucuns l'en ont blâmé; Esope en moins de mots s'est encore exprimé. Mais sur tous certain Grec renchérit, et se pique D'une élégance laconique; Il renferme toujours son conte en quatre vers : Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts. Voyons-le avec Esope en un sujet semblable : L'un amène un chasseur, l'autre un pâtre, en sa fable. J'ai suivi leur projet quant à l'événement, Y cousant en chemin quelque trait seulement. Voici comme à peu près Esope le raconte : Un Pâtre, à ses brebis trouvant quelque méconte. Voulut à toute force attraper le larron. Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ Des lacs à prendre loups, soupçonnant cette engeance. « Avant que partir de ces lieux. Si tu fais, disoit-il, ô monarque des Dieux, Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence, Et que je goûte ce plaisir, Parmi vingt veaux je veux choisir Le plus gras, et t'en faire offrande. » A ces mots, sort de l'antre un Lion grand et fort; Le Pâtre se tapit, et dit, à demi mort : « Que l'homme ne sait guère, hélas! ce qu'il demande! Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau Et le voir en ces lacs pris avant que je parte, O monarque des Dieux, je t'ai promis un veau : Je te promets un bouf si tu fais qu'il s'écarte. » C'est ainsi que l'a dit le principal auteur : Passons à son imitateur. |
Contact - Membres - Conditions d'utilisation
© WikiPoemes - Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Jules Laforgue (1860 - 1887) |
|||||||||
|
|||||||||
Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
|||||||||