Jules Laforgue |
Se croire un personnage est fort commun en France : On y fait l'homme d'importance. Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois. C'est proprement le mal françois : La sotte vanité nous est particulière. Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière : Leur orgueil me semble, en un mot. Beaucoup plus fou, mais pas si sot. Donnons quelque image du nôtre, Qui sans doute en vaut bien un autre. Un Rat des plus petits voyoit un Éléphant Des plus gros, et railloit le marcher un peu lent De la bête de haut parage, Qui marchoit à gros équipage. Sur l'animal à triple étage Une sultane de renom, Son chien, son chat et sa guenon, Son perroquet, sa vieille, et toute sa maison. S'en alloit en pèlerinage. Le Rat s'étonnoit que les gens Fussent touchés de voir cette pesante masse : <( Comme si d'occuper ou plus ou moins de place Nous rendoit, disoit-il, plus ou moins importants! Mais qu'admirez-vous tant en lui, vous autres hommes? Seroit-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants? Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous soin- D'un grain moins que les Eléphants. » [mes. Il en auroit dit davantage : Mais le Chat, sortant de sa cage. Lui fit voir, en moins d'un instant. Qu'un Rat n'est pas un Éléphant. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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