Jules Laforgue |
Le bon cour est chez vous compagnon du bon sens. Avec cent qualités trop longues à déduire, Une noblesse d'âme, un talent pour conduire Et les affaires et les gens, Une humeur franche et libre, et le don d'être amie Malgré Jupiter même et les temps orageux. Tout cela méritoit un éloge pompeux; Il en eût été moins selon votre génie : La pompe vous déplaît, l'éloge vous ennuie. J'ai donc fait celui-ci court et simple. Je veux Y coudre encore un mot ou deux En faveur de votre patrie : Vous l'aimez. Les Anglois pensent profondément; Leur esprit, en cela, suit leur tempérament : Creusant dans les sujets, et forts d'expériences, , Ils étendent partout l'empire des sciences. Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour : Vos gens à pénétrer l'emportent sur les autres; Même les chiens de leur séjour Ont meilleur nez que n'ont les nôtres. Vos renards sont plus fins; je m'en vais le prouver Par un d'eux, qui, pour se sauver, Mit en usage un stratagème Non encor pratiqué, des mieux imaginés. Le scélérat, réduit en un péril extrême, Et presque mis à bout par ces chiens au bon ne/, Passa près d'un patibulaire. Là, des animaux ravissants. Blaireaux, renards, hiboux, race encline à mal faire, Pour l'exemple pendus, instruisoient les passants. Leur confrère, aux abois, entre ces morts s'arrange. Je crois voir Annibal, qui, pressé des Romains, Met leurs chefs en défaut, ou leur donne le change. Et sait, en vieux renard, s'échapper de leurs mains. Les clefs de meute parvenues A l'endroit où pour mort le traître se pendit. Remplirent l'air de cris : leur maître les rompit, Bien que de leurs abois ils perçassent les nues. Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant. « Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant. Mes chiens n'appellent point au delà des colonnes Où sont tant d'honnêtes personnes. Il y viendra, le drôle! » Il y vint, à son dam. Voilà maint basset clabaudant; Voilà notre Renard au charnier se guindant. Maître pendu croyoit qu'il en iroit de même Que le jour qu'il tendit de semblables panneaux; Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses houseaux. Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème! Le Chasseur, pour trouver sa propre sûreté, N'auroit pas cependant un tel tour inventé; Non point par peu d'esprit : est-il quelqu'un qui nie Que tout Anglois n'en ait bonne provision? Mais le peu d'amour pour la vie Leur nuit en mainte occasion. Je reviens à vous, non pour dire D'autres traits sur votre sujet; Tout long éloge est un projet Peu favorable pour ma lyre. Peu de nos chants, peu de nos vers, Par un encens flatteur amusent l'univers. Et se font écouter des nations étranges. Votre prince vous dit un jour Qu'il aimoit mieux un trait d'amour Que quatre pages de louanges. Agréez seulement le don que je vous fais Des derniers efforts de ma Muse. C'est peu de chose; elle est confuse De ces ouvrages imparfaits. Cependant ne pourriez-vous faire Que le même hommage pût plaire A celle qui remplit vos climats d'habitants Tirés de l'île de Cythère? Vous voyez par là que j'entends Mazarin, des Amours déesse tutélaire. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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