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Jules Laforgue



Le singe et le chat - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Bertrand avec
Raton, l'un singe et l'autre chat,
Commensaux d'un logis, avoient un commun maître.
D'animaux malfaisants c'étoit un très-bon plat :
Ils n'y craignoient tous deux aucun, quel qu'il pût

[être.
Trouvoit-on quelque chose au logis de gâté.
L'on ne s'en prenoit point aux gens du voisinage :
Bertrand déroboit tout;
Raton, de son côté, Étoit moins attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons

Regardoient rôtir des marrons.
Les escroquer étoit une très-bonne affaire;
Nos galands y voyoient double profit à faire :
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.
Bertrand dit à
Raton : «
Frère, il faut aujourd'hui

Que tu fasses un coup de maître;
Tire-moi ces marrons.
Si
Dieu m'avoit fait naître

Propre à tirer marrons du feu,

Certes, marrons verroient beau jeu. »
Aussitôt fait que dit :
Raton, avec sa patte,

D'une manière délicate, Écarte un peu la cendre, et retire les doigts;

Puis les reporte à plusieurs fois;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque :

Et cependant
Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens.
Raton

Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes



Qui, flattés d'un pareil emploi,
Vont s'échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi.

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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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