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Jules Laforgue



Le singe et le dauphin - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





C'étoit chez les
Grecs un usage
Que sur la mer tous voyageurs
Menoient avec eux en voyage

Singes et chiens de bateleurs.

Un navire en cet équipage

Non loin d'Athènes fit naufrage.

Sans les dauphins tout eût péri.

Cet animal est fort ami

De notre espèce : en son histoire

Pline le dit; il le faut croire.

Il sauva donc tout ce qu'il put.

Même un
Singe en cette occurrence.

Profitant de la ressemblance,

Lui pensa devoir son salut :

Un
Dauphin le prit pour un homme.

Et sur son dos le fit asseoir

Si gravement qu'on eût cru voir

Ce chanteur que tant on renomme.

Le
Dauphin l'alloit mettre à bord,

Quand, par hasard, il lui demande :

« Ètes-vous d'Athènes la grande?

-
Oui, dit l'autre; on m'y connoît fort :
S'il vous y survient quelque affaire,
Employez-moi; car mes parents

Y tiennent tous les premiers rangs :

Un mien cousin est juge maire. »

Le
Dauphin dit : «
Bien grand merci;

Et le
Pirée a part aussi

A l'honneur de votre présence?

Vous le voyez souvent, je pense?

-
Tous les jours : il est mon ami;
C'est une vieille connoissance. »
Notre magot prit, pour ce coup,

Le nom d'un port pour un nom d'homme.



De telles gens il est beaucoup
Qui prendroient
Vaugirard pour
Rome,
Et qui, caquetants au plus dru,
Parlent de tout, et n'ont rien vu.



Le
Dauphin rit, tourne la tête,

Et le magot considéré,

Il s'aperçoit qu'il n'a tiré

Du fond des eaux rien qu'une bête.

Il l'y replonge, et va trouver

Quelque homme afin de le sauver.

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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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