Jules Laforgue |
Le Singe avec le Léopard Gagnoient de l'argent à la foire. Ils affichoient chacun à part. L'un d'eux disoit : « Messieurs, mon mérite et ma gloire Sont connus en bon lieu. Le Roi m'a voulu voir; Et, si je meurs, il veut avoir Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée, Pleine de taches, marquetée, Et vergetée, et mouchetée! » La bigarrure plaît. Partant chacun le vit; Mais ce fut bientôt fait; bientôt chacun sortit. Le Singe, de sa part, disoit : « Venez, de grâce; Venez, Messieurs, je fais cent tours de passe-passe. Cette diversité dont on vous parle tant, Mon voisin Léopard l'a sur soi seulement; Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille, Cousin et gendre de Bertrand, Singe du Pape en son vivant, Tout fraîchement en cette ville Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler; Car il parle, on l'entend : il sait danser, baller, Faire des tours de toute sorte. Passer en des cerceaux; et le tout pour six blancs : Non, Messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents, Nous rendrons à chacun son argent à la porte. » Le Singe avoit raison. Ce n'est pas sur l'habit Que la diversité me plaît; c'est dans l'esprit : L'une fournit toujours des choses agréables; L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants. Oh! que de grands seigneurs, au Léopard semblables, N'ont que l'habit pour tous talents! |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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