Jules Laforgue |
Certain Enfant qui sentoit son collège. Doublement sot et doublement fripon Par le jeune âge et par le privilège Qu'ont les pédants de gâter la raison, Chez un voisin déroboit, ce dit-on, Et fleurs et fruits. Ce voisin, en automne, Des plus beaux dons que nous offre Pomone Avoit la fleur, les autres le rebut. Chaque saison apportoit son tribut; Car au printemps il jouissoit encore Des plus beaux dons que nous présente Flore. Un jour, dans son jardin il vit notre Écolier Qui, grimpant, sans égard, sur un arbre fruitier, Gàtoit jusqu'aux boutons, douce et frêle espérance. Avant-coureurs des biens que promet l'abondance : Même il ébranchoit l'arbre; et fit tant, à la fin, Que le possesseur du jardin Envoya faire plainte au maître de la classe. Celui-ci vint suivi d'un cortège d'enfants : Voilà le verger plein de gens Pires que le premier. Le Pédant, de sa grâce, Accrut le mal en amenant Cette jeunesse mal instruite : Le tout, à ce qu'il dit, pour faire un châtiment Qui pût servir d'exemple, et dont toute sa suite Se souvînt à jamais, comme d'une leçon. Là-dessus, il cita Virgile et Cicéron, Avec force traits de science. Son discours dura tant que la maudite engeance Eut le temps de gâter en cent lieux le jardin. Je hais les pièces d'éloquence Hors de leur place, et qui n'ont point de fin; Et ne sais bête au monde pire Que l'Écolier, si ce n'est le Pédant. Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire, Ne me plairoit aucunement. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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