Jules Laforgue |
Un Pincemaille avoit tant amassé Qu'il ne savoit où loger sa finance. L'avarice, compagne et sour de l'ignorance, Le rendoit fort embarrassé Dans le choix d'un dépositaire : Car il en vouloit un, et voici sa raison : « L'objet tente; il faudra que ce monceau s'altère Si je le laisse à la maison : Moi-même de mon bien je serai le larron. - Le larron? Quoi? jouir, c'est se voler soi-même? Mon ami, j'ai pitié de ton erreur extrême. Apprends de moi cette leçon : Le bien n'est bien qu'en tant que l'on s'en peut défaire; Sans cela, c'est un mal. Veux-tu le réserver Pour un âge et des temps qui n'en ont plus que faire? La peine d'acquérir, le soin de conserver, Otent le prix à l'or, qu'on croit ni nécessaire. » Pour se décharger d'un tel soin, Notre homme eût pu trouver des gens sûrs au besoin. Il aima mieux la terre; et, prenant son compère, Celui-ci l'aide. Ils vont enfouir le trésor. Au bout de quelque temps, l'homme va voir son or; Il ne retrouva que le gîte. Soupçonnant, à bon droit, le compère, il va vite Lui dire : « Apprêtez-vous; car il me reste encor Quelques deniers : je veux les joindre à l'autre masse. » Le compère aussitôt va remettre en sa place L'argent volé, prétendant bien Tout reprendre à la fois, sans qu'il y manquât rien. Mais, pour ce coup, l'autre fut sage : Il retint tout chez lui, résolu de jouir, Plus n'entasser, plus n'enfouir; Et le pauvre voleur, ne trouvant plus son gage, Pensa tomber de sa hauteur. .Il n'est pas malaisé de tromper un trompeur. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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