Jules Laforgue |
Deux vrais Amis vivoient au Monomotapa : L'un ne possédoit rien qui n'appartînt à l'autre. Les amis de ce pays-là Valent bien, dit-on, ceux du nôtre. Une nuit que chacun s'occupoit au sommeil, Et mettoit à profit l'absence du soleil. Un de nos deux Amis sort du lit en alarme; Il court chez son intime, éveille les valets : Morphée avoit touché le seuil de ce palais. L'Ami couché s'étonne; il prend sa bourse, il s'arme. Vient trouver l'autre, et dit : « Il vous arrive peu De courir quand on dort; vous me paroissiez homme A mieux user du temps destiné pour le somme : N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu? En voici. S'il vous est venu quelque querelle, J'ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point De coucher toujours seul? Une esclave assez belle Étoit à mes côtés : voulez-vous qu'on l'appelle? - Non, dit l'Ami, ce n'est ni l'un ni l'autre point : Je vous rends grâce de ce zèle. Vous m'êtes, en dormant, un peu triste apparu; J'ai craint qu'il ne fût vrai; je suis vite accouru Ce maudit songe en est la cause. » Qui d'eux aimoit le mieux? Que t'en semble, lecteur? Cette difficulté vaut bien qu'on la propose. Qu'un ami véritable est une douce chose! Il cherche vos besoins au fond de votre cour; Il vous épargne la pudeur De les lui découvrir vous-même; Un songe, un rien, tout lui fait peur Quand il s'agit de ce qu'il aime. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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