Jules Laforgue |
Deux Coqs vivoient en paix : une Poule survint. Et voilà la guerre allumée. Amour, tu perdis Troie; et c'est de toi que vint Cette querelle envenimée Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint! Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint. Le bruit s'en répandit par tout le voisinage : La gent qui porte crête au spectacle accourut; Plus d'une Hélène au beau plumage Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut : Il alla se cacher au fond de sa retraite, Pleura sa gloire et ses amours, Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite, Possédoit à ses yeux. Il voyoit tous les jours Cet objet rallumer sa haine et son courage; Il aiguisoit son bec, battoit l'air et ses flancs, Et, s'exerçant contre les vents, S'armoit d'une jalouse rage. Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits S'alla percher, et chanter sa victoire. Un Vautour entendit sa voix : Adieu les amours et la gloire; Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour. Enfin, par un fatal retour, Son rival autour de la Poule S'en revint faire le coquet : Je laisse à penser quel caquet. Car il eut des femmes en foule. La Fortune se plaît à faire de ces coups : Tout vainqueur insolent à sa perte travaille. Défions-nous du Sort, et prenons garde à nous Après le gain d'une bataille. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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