Jules Laforgue |
A l'ouvre on connoît l'artisan. Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent : Des Frelons les réclamèrent; Des Abeilles s'opposant, Devant certaine Guêpe on traduisit la cause. Il étoit malaisé de décider la chose : Les témoins déposoient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs, De couleur fort tannée, et tels que les abeilles, Avoient longtemps paru. Mais quoi? dans les Frelons Ces enseignes étoient pareilles. La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons, Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière Entendit une fourmilière. Le point n'en put être cclairci. « De grâce, à quoi bon tout ceci? Dit une Abeille fort prudente. Depuis tantôt six mois que la cause est pendante, Nous voici comme aux premiers jours. Pendant cela le miel se gâte-Il est temps désormais que le juge se hâte : N'a-t-il point assez léché l'ours? Sans tant de contredits, et d'interlocutoires, Et de fatras, et de grimoires. Travaillons, les Frelons et nous : On verra qui sait faire, avec un suc si doux, Des cellules si bien bâties. » Le refus des Frelons fit voir Que cet art passoit leur savoir; Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties. Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès! Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode! Le simple sens commun nous tiendroit lieu de code Il ne faudroit point tant de frais; Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge. On nous mine par des longueurs; On fait tant, à la fin, que l'huître est pour le juge, Les écailles pour les plaideurs. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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