Jules Laforgue |
Les Grenouilles se lassant De l'état démocratique, Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique. Il leur tomba du ciel un Roi tout pacifique : Ce Roi fit toutefois un tel bruit en tombant, Que la gent marécageuse, Gent fort sotte et fort peureuse, S'alla cacher sous les eaux. Dans les joncs, dans les roseaux. Dans les trous du marécage, Sans oser de longtemps regarder au visage Celui qu'elles croyoient être un géant nouveau. Or c'étoit un Soliveau, De qui la gravité fit peur à la première Qui, de le voir s'aventurant, Osa bien quitter sa tanière. Elle approcha, mais en tremblant; Une autre la suivit, une autre en fit autant : Il en vint une fourmilière; Et leur troupe à la fin se rendit familière Jusqu'à sauter sur l'épaule du Roi. Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi. Jupin en a bientôt la cervelle rompue : « Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. » Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue, Qui les croque, qui les tue, Qui les gobe à son plaisir; Et Grenouilles de se plaindre, Et Jupin de leur dire : « Eh quoi? votre désir A ses lois ci oit-il nous astreindre? Vous avez dû premièrement Garder votre gouvernement; Mais ne l'ayant pas fait, il vous devoit suffire Que votre premier roi fût débonnaire et doux : De celui-ci contentez-vous. De peur d'en rencontrer un pire. » |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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