Jules Laforgue |
Ce sont les linges, les linges, Hôpitaux consacrés aux cruors et aux fanges ; Ce sont les langes, les langes. Où l'on voudrait, ah ! redorloter ses méninges ! Vos linges pollués, Noëls de Bethléem ! De la lessive des linceuls des requiems De nos touchantes personnalités, aux langes Des berceaux, vite à bas, sans doubles de rechange. Qui nous suivent, transfigurés (fatals vauriens Que nous sommes) ainsi que des Langes gardiens. C'est la guimpe qui dit, même aux trois quarts meurtrie : « Ah ! pas de ces familiarités, je vous prie... » C'est la peine avalée aux édredons d'eider ; C'est le mouchoir laissé, parlant d'âme et de chair Et de scènes ! (Je vous pris la main sous la table, J'eus même des accents vraiment inimitables), Mais ces malentendus ! l'adieu noir ! - Je m'en vais ! - Il fait nuit ! - Que m'importe ! à moi, chemins mauvais ! Puis, comme Phèdre en ses illicites malaises : « Ah ! que ces draps d'un lit d'occasion me pèsent ! » Linges adolescents, nuptiaux, maternels ; Nappe qui drape la Sainte-table ou l'autel, Purificatoire au Calice, manuterges. Refuges des baisers convolant vers les cierges. Ô langes invalides, linges aveuglants ! Oreillers du bon cour toujours convalescent Qui dit, même à la sour, dont le toucher l'écoure : « Rien qu'une cuillerée, ah ! toutes les deux heures... » Voie Lactée à charpie en surplis : lourds jupons À plis d'ordre dorique à lesquels nous rampons Rien que pour y râler, doux comme la tortue Qui grignote au soleil une vieille laitue. Linges des grandes maladies ; champs-clos des draps Fleurant : Soulagez-vous, va, tant que ça ira ! Et les cols rabattus des jeunes filles fières, Les bas blancs bien tirés, les chants des lavandières, Le peignoir sur la chair de poule après le bain Les cornettes des sours, les voiles, les béguins, La province et ses armoires, les lingeries Du lycée et du cloître ; et les bonnes prairies Blanches des traversins rafraîchissant leurs creux De parfums de famille aux tempes sans aveux. Et la Mort ! pavoisez les balcons de draps pâles, Les cloches ! car voici que des rideaux s'exhale La procession du beau Cygne ambassadeur Qui mène Lohengrin au pays des candeurs ! Ce sont les linges, les linges, Hôpitaux consacrés aux cruors et aux fanges ; Ce sont les langes, les langes, Où l'on voudrait, ah ! redorlotcr ses méninges. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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