Jules Laforgue |
Tircis, qui pour la seule Annette Faisoit résonner les accords D'une voix et d'une musette Capables de toucher les morts, Chantoit un jour le long des bords D'une onde arrosant des prairies Dont Zéphire habitoit les campagnes fleuries. Annette cependant à la ligne pêchoit; Mais nul poisson ne s'approchoit; La Bergère perdoit ses peines. Le Berger, qui, par ses chansons, Eût attiré des inhumaines. Crut, et crut mal, attirer des poissons. Il leur chanta ceci : « Citoyens de cette onde, Laissez votre Naïade en sa grotte profonde; Venez voir un objet mille fois plus charmant. Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle; Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle. Vous serez traités doucement; On n'en veut point à votre vie : Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal; Et, quand à quelques-uns l'appât seroit fatal, Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie. » Ce discours éloquent ne fit pas grand effet; L'auditoire étoit sourd aussi bien que muet : Tircis eut beau prêcher. Ses paroles miellées S'en étant aux vents envolées, Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris; Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère. O vous, pasteurs d'humains et non pas de brebis. Rois, qui croyez gagner par raisons les esprits D'une multitude étrangère, Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout. Il y faut une autre manière : Servez-vous de vos rets; la puissance fait tout. |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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