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Jules Laforgue



Les vautours et les pigeons - Fable


Fable / Poémes d'Jules Laforgue





Mars autrefois mit tout l'air en émute.

Certain sujet fit naître la dispute

Chez les oiseaux, non ceux que le
Printemps

Mène à sa cour, et qui, sous la feuillée.

Par leur exemple et leurs sons éclatants.

Font que
Vénus est en nous réveillée;

Ni ceux encor que la mère d'Amour

Met à son char; mais le peuple vautour.

Au bec retors, à la tranchante serre.

Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre.

Il plm du sang : je n'exagère point.

Si je voulois conter de point en point

Tout le détail, je manquerois d'haleine.

Maint chef périt, maint héros expira;

Et sur son roc
Prométhée espéra

De voir bientôt une fin à sa peine.

C'étoit plaisir d'observer leurs elTorts;

C'étoit pitié de voir tomber les morts.

Valeur, adresse, et ruses, et surprises,

Tout s'employa.
Les deux troupes, éprises

D'ardent courroux, n'épargnoient nuls moyens

De peupler l'air que respirent les
Ombres;

Tout élément remplit de citoyens

Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres.

Celte fureur mit la compassion

Dans les esprits d'une auire nation

Au col changeant, au cour tendre et fidèle.

Elle employa sa méditation

Pour accorder une telle querelle :

Ambassadeurs par le peuple pigeon

Furent choisis, et si bien travaillèrent.

Que les
Vautours plus ne se chamaillèrent.

Ils firent trêve; et la paix s'ensuivit.

Hélas! ce fut aux dépens de la race

A qui la leur auroit dû rendre grâce.

La gent maudite aussitôt poursuivit

Tous les
Pigeons, en fit ample carnage,

En dépeupla les bourgades, les champs.

Peu de prudence eurent les pauvres gens

D'accommoder un peuple si sauvage.

Tenez toujours divisés les méchants :
La sûreté du reste de la terre



Dépend de là.
Semez entre eux la guerre,
Ou vous n'aurez avec eux nulle paix.
Ceci soit dit en passant : je me tais.

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Jules Laforgue
(1860 - 1887)
 
  Jules Laforgue - Portrait  
 
Portrait de Jules Laforgue

Biographie jules laforgue

«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè

Orientation bibliographique / Ouvres

L'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit

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