Jules Laforgue |
I Les mares de vos yeux aux joncs de cils, Ô vaillante oisive femme, Quand donc me renverront-ils La Lune-levante de ma belle âme ? Voilà tantôt une heure qu'en langueur Mon cour si simple s'abreuve De vos vilaines rigueurs. Avec le regard bon d'un terre-neuve. Ah ! madame, ce n'est vraiment pas bien, Quand on n'est pas la Joconde, D'en adopter le maintien Pour induire en spleens tout bleus le pauv'monde ! II Ah ! sans Lune, quelles nuits blanches. Quels cauchemars pleins de talent ! Vois-je pas là nos cygnes blancs ? Vient-on pas de tourner la clenche ? Et c'est vers toi que j'en suis là. Que ma conscience voit double, Et que mon cour pèche en eau trouble, Eve, Joconde et Dalila ! Ah ! par l'infini circonflexe De l'ogive où j'ahanne en croix. Vends-moi donc une bonne fois La raison d'être de Ton Sexe ! XII Encore un livre ; ô nostalgies Loin de ces très-goujatcs gens. Loin des saluts et des argents. Loin de nos phraséologies ! Encore un de mes pierrots mort ; Mort d'un chronique orphelinisme ; C'était un cour plein de dandysme Lunaire, en un drôle de corps. Les dieux s'en vont ; plus que des hures ; Ah ! ça devient tous les jours pis ; J'ai fait mon temps, je déguerpis Vers l'Inclusive Sinécure ! XIII Eh bien, oui, je l'ai chagrinée. Tout le long, le long de l'année ; Mais quoi ! s'en est-elle étonnée ? Absolus, drapés de layettes, Aux lunes de miel de l'Hymette, Nous avions par trop l'air vignette ! Ma vitre pleure, adieu ! l'on bâille Vers les ciels couleur de limaille Où la Lune a ses funérailles. Je ne veux accuser nul être. Bien qu'au fond tout m'ait pris en traître. Ah ! paître, sans but là-bas ! paître... XIV Les main dans les poches. Le long de la route, J'écoute Mille cloches Chantant : « Les temps sont proches, « Sans que tu t'en doutes ! » Ah ! Dieu m'est égal ! Et je suis chez moi ! Mon toit Très natal C'est Tout Je marche droit. Je fais pas de mal. Je connais l'Histoire, Et puis la Nature, Ces foires Aux ratures ; Aussi je vous assure Que l'on peut me croire ! XV J'entends battre mon Sacré-Cour Dans le crépuscule de l'heure, Comme il est méconnu, sans sour, Et sans destin, et sans demeure ! J'entends battre ma jeune chair Equivoquant par mes artères, Entre les Edens de mes vers Et la province de mes pères. Et j'entends la flûte de Pan Qui chante : « Bats, bats la campagne ! « Meurs, quand tout vit à tes dépens ; « Mais entre nous, va, qui perd gagne ! » |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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