Jules Laforgue |
Un chien perdu grelotte en abois à la Lune... Oh ! pourquoi ce sanglot quand nul ne l'a battu ? Et, nuits! que partout la même Amel En est-il une Qui n'aboie à l'Exil ainsi qu'un chien perdu ? Non, non; pas un caillou qui ne rêve un ménage, Pas un soir qui ne pleure : encore un aujourd'hui! Pas un Moi qui n'écume aux barreaux de sa cage Et n'épluche ses jours en filaments d'ennui. Et les bons végétaux! des fossiles qui gisent En pliocènes tufs de squelettes parias, Aux printemps asperges par les steppes kirghyses, Aux roses des contreforts de l'Hymalaya ! Et le vent qui beugle, apocalyptique Bête S'abattant sur des toits aux habitants pourris. Qui secoue en vain leurs huis-clos, et puis s'arrête, Pleurant sur son cour à Sept-Glaives d'incompris. Tout vient d'un seul impératif catégorique, Mais qu'il a le bras long, et la matrice loin ! L'Amour, l'amour qui rêve, ascétise et fornique; Que n'aimons-nous pour nous dans notre petit coin? Infini, d'où sors-tu ? Pourquoi nos sens superbes Sont-ils fous d'au-delà des claviers octroyés, Croient-ils à des miroirs plus heureux que le Verbe, Et se tuent ? Infini, montre un peu tes papiers ! Motifs décoratifs, et non but de l'Histoire, Non le bonheur pour tous, mais de coquets moyens S'objectivant en nous substratums sans pourboires, Trinité de Molochs, le Vrai, le Beau, le Bien. Nuages à profils de kaïns ! vents d'automne Qui, dans l'antiquité des Pans soi-disant gais, Vous lamentiez aux toits des temples heptagones, Voyez, nous rebrodons les mêmes Anankès. Jadis les gants violets des Révérendissimes , De la Théologie en conciles cités, Et Pévêque d'Hippone attelant ses victimes Au char du Jaggernaut Ocuménicité; Aujourd'hui, microscope de télescope! Encore, Nous voilà relançant l'Ogive au toujours Lui, Qu'il y tourne casaque, à neuf qu'il s'y redore Pour venir nous bercer un printemps notre ennui. Une place plus fraîche à l'oreille des fièvres, Un mirage inédit au détour du chemin, Des rampements plus fous vers le bonheur des lèvres, Et des opiums plus longs à rêver. Mais demain ? Recommencer encore ? Ah ! lâchons les écluses, À la fin ! Oublions tout ! nous faut convoyer Vers ces ciels où, s'aimer et paître étant les Muses, Cuver sera le dieu pénate des foyers ! Ô! l'Éden immédiat des braves empirismes! Peigner ses fiers cheveux avec l'arête des Poissons qu'on lui offrit crus dans un paroxysme De dévouement! s'aimer sans serments, ni rabais. Oui, vivre pur d'habitudes et de programmes, Paccageant mes milieux, à travers et à tort, Choyant comme un beau chat ma chère petite âme, N'arriver qu'ivre-mort de Moi-même à la mort! Oui, par delà nos arts, par delà nos époques Et nos hérédités, tes îles de candeur, Inconscience ! et elle, au seuil, là, qui se moque De mes regards en arrière, et fait : n'aie pas peur. Que non, je n'ai plus peur; je rechois en enfance; Mon bateau de fleurs est prêt, j'y veux rêver à L'ombre de tes maternelles protubérances, En t'offrant le miroir de mes et calera.... |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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