Jules Laforgue |
Amour absolu, carrefour sans fontaine ; Mais, à tous les bouts, d'étourdissantes fêtes foraines. Jamais franches, Ou le poing sur la hanche : Avec toutes, l'amour s'échange Simple et sans foi comme un bonjour. O bouquets d'oranger cuirassés de satin. Elle s'éteint, elle s'éteint, La divine Rosace À voir vos noces de sexes livrés à la grosse, Courir en valsant vers la fosse Commune !... Pauvre race ! Pas d'absolu ; des compromis ; Tout est pas plus, tout est permis. Et cependant, ô des nuits, laissez-moi, Circés, Sombrement coiffées à la Titus, Et les yeux en grand deuil comme des pensées ! Et passez, Béatifiques Vénus Etalées et découvrant vos gencives comme un régal. Et bâillant des aisselles au soleil Dans l'assourdissement des cigales ! Ou, droites, tenant sur fond violet le lotus Des sacrilèges domestiques. En faisant de l'index : motus ! Passez, passez, bien que les yeux vierges Ne soient que cadrans d'émail bleu, Marquant telle heure que l'on veut, Sauf à garder pour eux, pour Elle, Leur heure immortelle. Sans doute au premier mot. On va baisser ces yeux, Et peut-être choir en syncope. On est si vierge à fleur de robe Peut-être même à fleur de peau, Mais leur destinée est bien interlope, au nom de Dieu ! Ô historiques esclaves ! Oh ! leur petite chambre ! Qu'on peut les en faire descendre Vers d'autres étages. Vers les plus frelatées des caves, Vers les moins ange-gardien des ménages ! Et alors, le grand Suicide, à froid. Et leur Amen d'une voix sans Elle, Tout en vaquant aux petits soins secrets. Et puis leur éternel air distrait Leur grand air de dire : « De quoi ? » « Ah ! de quoi, au fond, s'il vous plaît ? » Mon Dieu, que l'Idéal La dépouillât de ce rôle d'ange ! Qu'elle adoptât l'Homme comme égal ! Oh, que ses yeux ne parlent plus d'Idéal, Mais simplement d'humains échanges ! En frère et sour par le cour, Et fiancés par le passé, Et puis unis par l'Infini ! Oh, simplement d'infinis échanges A la fin de journées A quatre bras moissonnées, Quand les tambours, quand les trompettes, Ils s'en vont sonnant la retraite, Et qu'on prend le frais sur le pas des portes, En vidant les pots de grès À la santé des années mortes Qui n'ont pas laissé de regrets, Au su de tout le canton Que depuis toujours nous habitons. Ton ton, ton taine, ton ton |
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Jules Laforgue (1860 - 1887) |
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Portrait de Jules Laforgue | |||||||||
Biographie jules laforgue«Pendant une période de vie très modeste dans sa famille, vie devenue dure avec les soucis d'argent, Jules Laforgue, né à Montevideo, en 1860, sentit s'éveiller son esprit aux chefs-d'ouvres des Musées de Paris et aux longues lectures dans le jardin du Luxembourg; il aima d'abord Taine, Renan, Huysmans, puis alla vers Bourget, dont l'analyse inquiète et naïve l'attirait. Son ambition de la vingtiè Orientation bibliographique / OuvresL'art de Laforgue occupe une place unique dans la poésie française. En effet, on retrouve chez lui une fusion rare entre l'expression de la mélancolie la plus vive et un ton ironique, parfois trivial (comme dans La Chanson du petit hypertrophique) qui, sous d'autres plumes, serait tombé dans le prosaïsme. Parfois aussi, lorsque Laforgue évoque des sujets aussi graves que la question du libre arbit |
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